Interview Robert Diethrich, General Manager d'EDF
International
Sa croissance étant limitée en France avec l'excès de
production dû au programme nucléaire, EDF par le biais d'EDF International a su
tirer parti des opportunités de développement à l'étranger nées de la vague de
déréglementations en investissant dans des pays très divers. Au delà de leur
rentabilité à moyen terme, ces investissements forment le personnel comme les
dirigeants d'EDF à une culture d'entreprise privée. Mais cette façon de
profiter de la privatisation à l'étranger tout en traînant autant que possible
les pieds pour appliquer les directives de l'Europe concernant la privatisation
d'EDF elle-même met en lumière une contradiction au cœur de l'entreprise
nationale.
EDF International a été créé par EDF comme holding
d'investissement début de 1993 pour maintenir la croissance de l'entreprise
publique en se tournant vers l'étranger et en saisissant les bonnes occasions
résultant du phénomène de dérégulation et de privatisation à l'échelon européen
puis mondial dans le secteur de l'énergie.
Toutefois, un pays au sein de la Communauté Européenne ne
peut à la longue participer à des privatisations sur le marché de l'énergie à
l'étranger tout en traînant des pieds pour appliquer les directives européennes
concernant l’ouverture à la concurrence du secteur de l’énergie.
La Commission Européenne en rappelant les lois européennes d’ouverture
des marchés de l’énergie signés par le gouvernement français mais dont EDF
cherche par divers moyens à retarder l’application, insiste sur le principe de
réciprocité : EDF ne peut simplement bénéficier des privatisations dans
les autres pays de la Communauté Européenne sans ouvrir le marché français.
EDF qui est très endettée avec des taux pour ses emprunts de
l'ordre de 8%, vise par le biais de ses investissements à l'étranger des
rentabilités de l'ordre de 13% en Europe et de 15 à 20% dans des pays plus
lointains considérés comme plus risqués. La différence entre les taux des
emprunts et des rentabilités apportera de l'argent qui ne sera pas de trop
quand, à partir de l'an 2000, il faudra renouveler le parc de centrales
nucléaires.
EDF International a commencé par investir en Espagne dans la
construction avec des partenaires européens d'une centrale avec une innovation
technologique intéressante consistant à gazéifier le charbon pour faire tourner
des turbines. Elle a investi dans d'autres pays européens comme la Suède où
elle est le partenaire du deuxième électricien suédois, Sydkraft,
en Italie, au Portugal et dans la République Tchèque.
Mais la faible croissance de la consommation d'énergie en
Europe a amené EDF International à se tourner vers des pays plus lointains,
l'Amérique latine (Argentine) et les marchés asiatiques de l'énergie, marchés
qui sont en croissance rapide avec des contrats de service en Chine en
particulier. De plus, elle a développé les activités traditionnelles d'EDF en
Afrique francophone.
Ces expériences amènent les cadres comme les techniciens
d'EDF à se frotter à un univers assez éloigné de la culture de monopole et de
service public en France datant de la loi de 1946 sur le monopole d'EDF. Ce
système français bien spécifique est certainement l'aspect de la gestion d'EDF
le moins exportable à l'étranger, surtout dans le contexte actuel.
EDF International fonctionne uniquement en univers
concurrentiel ce qui est certainement formateur pour le personnel. Les
expériences à l'étranger peuvent, petit à petit, améliorer le service aux
consommateurs en France en tirant les leçons des autres. Ainsi, à EDF
International, on reconnaît que l'on a beaucoup à apprendre de Sydkraft, le deuxième électricien suédois avec qui EDF
travaille dans le sud de la Suède, dans le domaine du service à la clientèle.
" Si vous comptez l'ensemble des gens qui ont été
amenés à travailler à l'étranger ou travaillent sur des contrats de services de
la Chine à l'Argentine, cela fait autour de 1200 1300 personnes. Au bout d'un
certain temps, vous aurez plusieurs milliers d'employés de l'EDF qui auront été
en contact avec des réalités très différentes des réalités françaises, ce qui
est très important pour le futur ", explique Robert Diethrich, General Manager d'EDF
International.
Alors que le personnel d'EDF s'élèverait contre la moindre
proposition de privatisation, à EDF international, on se félicite de chaque
privatisation à l'étranger en essayant de remporter les appels d'offres qui y font
suite.
En fait, la création d'EDF international en dehors de sa
contribution au maintien de l'emploi à EDF dans les années à venir correspond,
comme le reconnaissent ses dirigeants, à une volonté de s'informer sur la façon
dans la privatisation se déroule dans des pays proches comme l'Italie ou la
Grande Bretagne et à en tirer des leçons pour ne pas être pris au dépourvu le
jour où quelque chose de semblable se passerait chez nous.
On pourrait comparer cette attitude avec celle des
dirigeants de France-Telecom qui, quand ils ont senti
le vent de la concurrence sur le marché intérieur, s'approcher, ont décuplé
leurs efforts de marketing.
De toute façon, explique Robert Diethrich,
qui n'applaudirait pas à l'exportation de notre savoir-faire en matière de
centrales électriques, savoir faire reconnu à l'étranger comme le montrent les
contrats remportés par EDF International, ainsi qu'à l'ouverture du personnel
d'EDF à ce qui se passe au delà de l'hexagone.
Bernard Mitjavile