Le Christianisme, réponse à la crise des valeurs

 

 

Sommaire

1ère partie : questions métaphysiques. 2

1)      Y a-t-il un esprit conscient et créateur à l’origine de l’homme et l’univers ?. 2

2)      Y-a-t-il une vie après la mort ?. 4

3)      Qu’est-ce que l’homme ? Le fruit d’une évolution non-dirigée ou le but ultime de la création de l’univers. 6

2ème partie : la remise en cause des valeurs judéo-chrétiennes. 9

1)      Psychologie, sociologie, science et valeurs. 10

2)      L’attaque du marxisme contre les valeurs Judéo-chrétiennes avec son approche matérialiste concernant l’homme, l’histoire et la société repose-t-elle sur des bases solides ?. 15

3)      Tout est relatif ?. 22

4)      Le politiquement correct 27

3ème partie : La réponse aux crises de notre époque, un Christianisme non dogmatique vécu au quotidien au niveau individuel, économique, social, national, international 32

1)      La Résurrection, jusqu’où ?. 32

2)      La théodicée et la question du mal 33

3)      Pour une approche holistique de la notion de salut 35

4)      Le principe de Gamaliel, un appel antique au respect de la liberté religieuse. 38

5)      Une présence au quotidien. 40

6)      Christianisme, immigration et patriotisme. 43

7)      Antisémitisme et théologie chrétienne. 45

 

 

 

1ère partie : questions métaphysiques

 

 

Le Christianisme a été en but depuis plus d’un siècle à des critiques pseudo-scientifiques remettant en cause son soubassement métaphysique, l’existence d’un Dieu unique, la réalité d’une vie après la mort, l’origine divine de la nature humaine. Aussi, avant d’aller plus loin est-il nécessaire de clarifier ces questions et d’étudier si ces affirmations matérialistes ont une base véritablement scientifique. C’est le but des trois premiers chapitres de cet ouvrage

 

1)     Y a-t-il un esprit conscient et créateur à l’origine de l’homme et l’univers ? 

 

Nous vivons dans une culture matérialiste qui présente la croyance en un esprit intelligent à l’origine de l’univers comme non-scientifique ou non rationnelle. Or, cette présentation elle-même n’a rien de scientifique ou rationnel et relève bien au contraire de préjugés ou dogmes hérités du matérialisme dialectique et autres conceptions athées qui sont loin d’être prouvés par la science.

En prenant une approche scientifique étudiant si les faits corroborent une hypothèse, on peut voir si l’hypothèse d’un esprit intelligent à l’origine de l’univers, de la vie et de l’homme est plus justifiée par les faits que sa négation, l’hypothèse que l’univers et la vie se sont développés à partir du hasard et de la nécessité ou pour reprendre une idée marxiste, des contradictions internes de la matière. Ainsi nous pourrons voir si l’hypothèse théiste tient mieux la route que l’hypothèse athéiste, ce à quoi cherche à contribuer ce texte.

 

Etude cosmogonique (Big-bang et constantes cosmiques)

La théorie sur l’origine de l’univers la plus largement acceptée par le monde scientifique actuellement est la théorie du Big-bang ou d’une explosion initiale d’énergie à très haute température il y a autour de 14 milliards d’années dont sont issues les premières particules élémentaires.

 

Cette « explosion » n’a pas grand-chose à voir avec l’explosion d’un pétard ordinaire mais plutôt avec le lancement d’un processus calculé avec une précision extrême avec des dizaines de conditions initiales, de constantes comme la constante de Planck ou celle de la gravitation, toutes nécessaires individuellement et entre elles pour permettre le bon développement de l’univers. On a détecté, puis mesuré la radiation créée par cette explosion qui joue le rôle d’un bruit de fond de l’univers dans toutes les directions et on a calculé que cette radiation reflétait une explosion à une température et d’une puissance juste assez élevée pour permettre à l’univers de s’étendre sans qu’il se replie sur lui-même par la force de la gravitation (univers en expansion) et juste assez réduite pour permettre aux galaxies de se former sans que la matière ne se disperse dans l’univers.

On peut citer l’astronome Trinh Xuan Thuan « Supprimez un seul zéro au nombre 1 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 – le rapport de la force électromagnétique à la force gravitationnelle et l’univers devient vide et stérile » (Trinh Xuan Thuan « le Cosmos et le Lotus »).

De même si la constante de gravité était très légèrement modifiée d’un ordre très inférieur au milliardième, notre soleil ne pourrait pas exister.

 

Parmi les nombreuses constantes nécessaires et dont la coordination a permis à l’univers de se développer, il y a la vitesse d'expansion de l'univers : si elle était d'un millionième plus réduite, l'expansion se serait arrêtée et l'univers se serait de nouveau réduit avant que les étoiles aient pu apparaître jusqu'à une implosion finale, si la vitesse d'expansion avait été trop rapide, alors la matière se serait dispersée trop rapidement dans l'univers empêchant la formation des galaxies.

Il en va de même pour la vitesse de la lumière, de 299.792.458 mètres par seconde. Les lois de la physique sont fonction de cette vitesse et même une légère variation de cette vitesse affecterait les autres constantes.

La possibilité que cette combinaison de ces constantes, au nombre de 122 qui ont permis au Cosmos d’évoluer et à la vie d’apparaître sur terre, probabilité calculée par des astrophysiciens américains en prenant comme hypothèse réaliste la présence de 1022planètes dans l’univers, est d’une chance sur 10138 ou d’un zéro suivi d’une virgule puis 137 zéros puis enfin un 1. Face à cette improbabilité du hasard comme origine de l’univers, les matérialistes répondent en invoquant une infinité d’univers ayant tous échoué avant le notre, la théorie dite des multivers, sans avancer bien sûr la moindre preuve pour soutenir cette théorie.

 

D’un point de vue philosophique, la théorie du big-bang suppose que la cause première à l’origine de l’univers transcende le temps et l’espace, deux variables liées selon les théories d’Einstein, autrement dit avec le Big-bang ont commencé simultanément le temps et l’espace. Or, l’idée que la cause première de l’univers transcende le temps et l’espace est une idée qui a été affirmée contre tous les matérialistes depuis des milliers d’années par la tradition judéo-chrétienne et que vient donc confirmer la théorie du big-bang.

Au moins depuis les premiers philosophes grecs comme Parménide, ou Héraclite ou des panthéistes, un grand argument des philosophes matérialistes à l’encontre d’un Dieu créateur est que l’univers a toujours existé et qu’il n’y a rien en dehors de lui, qu'il est pour reprendre un vieux concept philosophique "l'être". Pendant longtemps on a cru que les étoiles étaient des divinités éternelles. Même si ce n’est pas souvent souligné, la théorie cosmologique moderne frappe de façon décisive toutes ces conceptions et nous ramène à la conception judéo-chrétienne que l'univers n'est pas tout, qu'il a une cause. On ne peut plus simplement comme avant être panthéiste ou défendre l’éternité de l’univers ou de la matière comme le faisaient Marx et Engels. La matière ou l’univers n’est pas le Dieu éternel et incréé, ils ont un début, une cause qui les transcende. Ce qui n’était qu’une conviction des croyants est devenu une certitude scientifique.

 

En d’autres termes il faut une foi bien plus grande pour être matérialiste athée que pour croire à l’existence d’un esprit intelligent à l’origine du cosmos. Le mot même cosmos nous donne une indication, il s’agit d’un mot grec indiquant un univers organisé par le démiurge en utilisant le logos par opposition au chaos, mot grec indiquant le monde avant intervention du démiurge.

 

Le Principe anthropique

De nombreux scientifiques en sont arrivés à reconnaître un « Principe anthropique » qui guide l’univers et permet la vie sur terre et particulièrement la vie humaine, principe selon lequel l’univers existe pour permettre la vie et en particulier la vie humaine et ne peut se comprendre que dans cette perspective. « Ce qui est un miracle, c’est que l’univers soit compréhensible pour l’homme » disait déjà Einstein indiquant que l’homme aurait très bien pu vivre dans un univers dont les lois fondamentales resteraient hors du domaine de sa compréhension.

 

Comme pour les constantes qui permettent l’existence et le développement de l’univers, concernant notre environnement immédiat, la terre, on retrouve tout une série de constante permettant la vie humaine. Il y a ainsi le degré de transparence spécifique de notre atmosphère (un peu plus et la chaleur des rayons du soleil frapperait trop durement la terre, un peu moins et pas assez de chaleur sur terre).

Cet atmosphère a une teneur spécifique en Oxygène (1 ou 2% de plus et l’atmosphère est trop inflammable, 1 ou 2% de moins et la teneur en Oxygène est insuffisante pour l’homme) et en CO2 (un peu plus et effet de serre trop important, un peu moins et pas de photosynthèse efficace).

Les dimensions de la lune et la distance de la lune qui est plus grosse que la plupart des satellites de planètes, à la terre sont aussi des valeurs critiques (distance terre-lune un peu plus proche et on aurait des marées géantes, un peu moins et il y aurait d’autres problèmes lors de changements d’orbites. Jupiter peut ne pas paraître comme particulièrement utile pour la vie sur terre et pourtant, c'est le cas : grâce à ses dimensions, cette planète sert de poubelle ramassant les météorites pénétrant dans le système solaire.

La distance de la terre au soleil (ni trop réduite pour éviter un ensoleillement excessif, ni trop grande pour éviter des hivers trop rigoureux), l’inclinaison de la terre sur son axe, la quantité d’eau terrestre sont d'autres valeurs vitales.

 

Conclusion

On peut conclure que l’hypothèse de l’existence d’un esprit intelligent communément appelé Dieu à l’origine de l’univers est largement soutenue par l’étude du cosmos et de son histoire ainsi que par celle de l’apparition de la vie. A contrario, l'hypothèse de la négation de cet esprit, d’une matière ou énergie primaire qui aurait évolué d'elle-même, sans direction donnée jusqu’à constituer notre cosmos et faire apparaître la vie par l'effet du hasard et de la nécessité, cette hypothèse apparaît comme très fragile. En d'autres termes, il faut plutôt plus de croyance et moins de raison pour se proclamer athée que de reconnaître l’existence d’un Esprit intelligent à l’origine de l’univers et l’opposition rationaliste - croyant n'a pas de raison d'être si l’on prend au sérieux la raison scientifique. La croyance en un Dieu créateur est certainement au moins aussi rationnelle que la non-croyance en un esprit intelligent à l'origine de l'univers.

 

 

 

2)     Y-a-t-il une vie après la mort ?

 

Les études scientifiques des dernières décennies amènent à reconsidérer l’approche matérialiste selon laquelle la conscience est produite par le cerveau et donc qu’il n’y a pas de pensée ou de conscience chez un patient dans un état de mort cérébrale.

 

Divers témoignages d’états de conscience lors de coma, de mort clinique et d’inactivité du cerveau

 

Pour ne prendre qu’une étude récente de l’Université de Southampton de 2014, il serait possible d'avoir une sensation de conscience plusieurs minutes après l’arrêt du cœur. Selon ces scientifiques qui ont mené pendant quatre ans, une étude sur 2.060 patients ayant subi un arrêt cardiaque, près de 40% des survivants ont décrit une sensation étrange de conscience alors qu’ils étaient en état de mort clinique, avant que leur cœur ne se remette à battre pendant une période où le cerveau n’était plus irrigué et cessait d’émettre des ondes électromagnétiques.

 

Le témoignage d’Angèle Lieby qui raconte dans un livre « Une larme m’a sauvée » comment elle a passé des mois dans le coma en étant pleinement consciente de ce qui se passait autour d’elles, des réactions des médecins et qui a versé une larme quand son médecin a déclaré à son mari qu’elle état « comme un légume » et n’avait pratiquement plus d’activité cérébrale, a remis pas mal de choses en questions sur la connaissance du coma. Cette larme l’a sauvée même si le médecin a d’abord cherché à nier sa signification, parlant de réaction physique automatique. Depuis Madame Lieby donne des conférences auprès de médecins réanimateurs ou du personnel soignant, les incitant à traiter avec beaucoup plus de considérations les malades dans le coma et leur parler avec respect.

 

On peut aussi citer le cas du jeune anglais Martin Pistorius qui dans le coma pendant 12 ans, était conscient de tout comme il le relate dans son livre témoignage « Quand j’étais invisible » (« The ghost boy »).

 

Les recherches en neurobiologie et physique quantique

A un niveau plus général, les recherches scientifiques des dernières décennies ont amené à sérieusement revoir les preuves avancées pour nier toute conscience en dehors de l’activité cérébrale.

Le paradigme matérialiste du cerveau produisant la pensée et source de la conscience, est remis en question depuis des années par des scientifiques au plus haut niveau dans le domaine de la neurobiologie. Ainsi le lauréat du prix Nobel John C. Eccles pour ses travaux sur le cerveau et la neurobiologie déclarait peu avant sa mort (1997) « Nous devons reconnaître que nous sommes des êtres spirituels dotés d’âmes existant dans un monde spirituel tout autant que des êtres matériels dotés de corps et de cerveaux existant dans un monde matériel ». Eccles parlait de superstition à propos du « réductionnisme matérialiste » qui prétendait expliquer le monde spirituel par des activités neuronales.

 

Cette remise en question du paradigme matérialiste sur le rapport esprit/cerveau se retrouve chez les plus grands chercheurs de la physique quantique. Ainsi le physicien quantique et lauréat du prix Nobel de physique Eugene P. Wigner expliquait qu’une mesure quantique nécessitait un esprit conscient pour être effectuée et insistait que la pensée était première par rapport à la matière.

En remontant plus haut, on peut citer les grands fondateurs de la physique quantique comme Max Plank qui déclarait « je considère la conscience comme fondamentale, je considère la matière comme dérivant de la conscience ».

 

Les expériences de mort imminente (EMI) ou near death experiences (NDE)

D’autre part, les très nombreuses expériences de mort clinique (NDE ou Near Death Experience en anglais) recensées en Amérique comme en Europe ces dernières décennies depuis le livre du Dr Moody « La vie après la vie » il y a plus de 40 ans ou les travaux auprès de mourants d’Elisabeth Kübler-Ross (« La mort est un nouveau soleil » Pocket 2002) nous ont rappelé la réalité d’un corps et de sens spirituels. Cette réalité était connue par les mystiques des différentes traditions religieuses ou philosophiques parmi lesquelles on peut citer St Paul parlant dans la deuxième épitre aux Corinthiens d’un voyage qu’il a fait au Paradis et ajoutant simplement « était-ce dans mon corps ou hors de mon corps, je ne sais » ou Platon racontant les expériences d’un soldat revenu à la vie après 12 jours, période durant laquelle il a rencontré des morts et fait différentes expériences semblables aux témoignages modernes de NDE. Les NDE comme ces différents récits parlent d’un corps spirituel pouvant se déplacer indépendamment du corps physique et doté comme lui de sens (vision, odorat, audition, toucher etc..) simplement plus fins, plus aiguisés que nos sens physiques.

 

Certains comme le philosophe Michel Onfray, nient la valeur de ces expériences, les attribuant à l’action de produits antidouleur ou autres sur le cerveau des patients. Cet argument serait recevable si l’on avait à faire à des expériences subjectives, or ce n’est pas le cas. En effet les personnes revenant d’une NDE témoignent d’avoir entendu des paroles des médecins dans la pièce où ils étaient ou même ailleurs dans d’autres pièces de l’hôpital dans lesquelles ils disent s’être déplacés avec leur corps spirituel et ces témoignages sont corroborés par les médecins ou infirmières concernées. De même les personnes sortant de coma longs dans lesquelles elles sont restées conscientes citent des faits, des déclarations ou actions du personnel médical pendant leur coma et parfois leur supposée inactivité cérébrale. Il ne s’agit donc pas d’expériences purement imaginaires et subjectives mais bien de réalités objectives confirmées par de multiples témoignages.

 

Cet remise en question des grandes théories matérialistes sur les rapports entre la matière et l’esprit ou le cerveau et la conscience ouvre la porte à une réflexion plus vaste sur la vie après la mort sans avoir à traîner le boulet d’un matérialisme réducteur rejetant tous les témoignages au nom de la science et adoptant ainsi une position elle-même anti-scientifique.

 

 

 

3)     Qu’est-ce que l’homme ? Le fruit d’une évolution non-dirigée ou le but ultime de la création de l’univers

 

 

Ambiguïté du concept d’évolution

Le mot évolution est un mot ambigu. Il est indiscutable que l’on a vu apparaître au cours de longues périodes des espèces toujours plus complexes ou évoluées mais affirmer que ce changement s’est fait automatiquement sans apport d’informations extérieures à l’origine et au long du processus n’est pas en soi scientifique et correspond à une approche athée ou matérialiste. On peut associer le processus d’évolution avec un processus de création au lieu de défendre un processus d’évolution causé pour reprendre les mots du biologiste prix Nobel Jacques Monod par le hasard et la nécessité.

 

L’apparition de la vie elle-même est déjà un coup sérieux portée à l’idée selon laquelle tout s’explique par des lois naturelles.

Cette apparition dès les plus petits organismes révèle la présence d’une quantité d’informations extrêmement importante. Ainsi on a calculé que l’être vivant le plus élémentaire, le protozoaire unicellulaire, contient dans son noyau une quantité d’informations équivalente à 1000 fois celle contenue dans les volumes de l’Encyclopédie Britannique et il ne s'agit que du noyau. La chance pour qu’un tel être vivant si simple soit-il, soit apparu par hasard est de l’ordre de 10-70, ou pour parler en langage commun nulle et encore plus nulle si on la combine avec la probabilité des constantes à l’origine de l’univers.

 

Cela a amené certains scientifiques et non des moindres comme Francis Crick, l’un des deux découvreurs avec J. Watson de l’ADN, la plus importante avancée en biologie/génétique des 70 dernières années, à supposer que l’ADN aurait été déposé sur la terre par des extra-terrestres, idée qu’il a défendu publiquement dès 1973. Cette hypothèse est plus intelligente que celle du hasard et de la nécessité, titre du livre de Monod, mais ne fait que repousser le mystère un peu plus loin, en effet la question demeure, terrestre ou extra-terrestre, d’où vient la vie ?

 

Quoiqu’il en soit, l’alternative raisonnable à ce hasard plus qu’improbable est de reconnaître que cette information si complexe contenue dans le protozoaire ne peut venir que d’un informateur à l’origine des composants chimiques de la vie et donc l’univers et de l’assemblage de certaines molécules dans un ordre et avec un langage d’une précision extraordinaire pour qu’apparaisse le premier ADN.

La vie pour apparaître, nous apprennent les cosmologues, nécessite des composants chimiques complexes (voir le tableau périodique des éléments) qui eux même résultent de transformations à de très hautes températures dans des étoiles géantes et des supernova. C’est ainsi qu’Hubert Reeves appelle les hommes des « poussières d’étoiles ».

 

Evolution graduelle et changements brusques

Laissant de côté la question de l’apparition de la vie, les Darwinistes ont cherché à défendre leur approche en expliquant l’apparition des différentes espèces vivantes jusqu’à l’homme par la sélection naturelle, l’adaptation au milieu environnant et des mutations.

Mais en défendant cette théorie, les Darwinistes ont très largement confondu microévolution et macroévolution. Si les preuves de la première, la microévolution ou l’évolution au sein d’une espèce sont nombreuses comme on peut le voir par la diversité des races de chiens ou de chats, celles de la seconde sont pratiquement inexistantes. Darwin s’était basé pour affirmer sa théorie sur l’évolution du bec de certains oiseaux en fonction du climat plus ou moins sec de l’île qu’ils habitaient. Cette évolution cyclique vers des becs larges en période humide ou longs et pointus en période sèche pour mieux chercher leur nourriture sous la terre, est cyclique et n’amène aucun dépassement des limites de l’espèce.

 

Par contre la macroévolution ou dépassement des limites de l’espèce implique des modifications très substantielles du code génétique qui ne peuvent s’expliquer par le principe darwiniste de la survie des mieux adaptés. Ce dépassement implique l’existence d’espèces transitionnelles, de chaînons manquants, d’innombrables espèces non abouties qui n’ont jamais été mis en évidence par l’étude des fossiles. Ces espèces transitionnelles ne seraient pas viables et seraient stériles dans le cas de mutations sensibles de gènes.

En 1980, environ 150 des principaux théoriciens de l’évolution se sont rassemblés à l’Université de Chicago pour une conférence dont le titre était « Macroevolution. » Leur tâche : « considérer les mécanismes sous-tendant l’origine des espèces » (Lewin, Science vol. 210, pp. 883-887). "La question centrale de la conférence de Chicago était si les mécanismes sous-tendant la microévolution peuvent être extrapolés pour expliquer le phénomène de la marcroévolution . . . la réponse a été un clair « Non ».

 

D’autre part, l’apparition des espèces est loin de se produire de façon continue ou linéaire. On assiste plutôt à des explosions de vie, de véritables big-bang biologiques, avec l’apparition de nombreuses espèces à différentes périodes géologiques. On a ainsi parlé de l’explosion du début du Miocène avec les innombrables fossiles correspondant à cette période succédant à des très longues périodes sans nouveautés. Des soudaines disparitions de centaines d’espèces peuvent aussi se produire… Les évolutionnistes ont sur ce point comme sur bien d’autres revu leurs théories, passant du changement graduel d’une espèce à l’autre à l’idée développée ces dernières décennies de longues périodes de stabilité d'une ou de nombreuses espèces suivies de changements brusques et du passage en une courte période à une autre ou d’autres espèces suite à de brusques changements environnementaux. Cette théorie semble plus correspondre à la réalité et on s'éloigne de la conception d’origine de Darwin.

 

Du temps de Darwin, l’ignorance de la génétique pouvait permettre ce genre de confusion entre ces deux types d’évolution et amener à penser que les macroévolutions étaient dues à la simple accumulation de microévolutions mais depuis, ce n’est plus le cas.

 

Evolution et génétique

On fait souvent passer Darwin pour le grand scientifique de la nature du 19ème siècle mais le grand scientifique de la vie pour cette période serait plutôt un moine morave, Gregor Mendel qui dans son monastère a découvert des lois de l'hérédité (on parle des lois de Mendel et non de la théorie de Mendel comme de la théorie de Darwin) en se basant sur des pois de couleurs différentes mais les travaux de Mendel étaient de son temps largement ignorés contrairement à ceux de Darwin.

 

La génétique nous montre que deux espèces peuvent être très proches par leur forme extérieure et leur squelette tout en étant très éloignée génétiquement et réciproquement. Ainsi on peut constater de très grandes différences morphologiques entre un teckel et un St Bernard ou un épagneul irlandais, pourtant ils appartiennent tous à la même espèce et descendent de loups. De même, pendant longtemps on a expliqué sur la base de différences extérieures que l’homme de Neandertal était d’une autre espèce que l’homme de Cro-Magnon et maintenant on en arrive à la conclusion qu’il s’agissait dans les deux cas d'hommes, peut-être de tribus ennemies, pas plus éloignés que deux hommes de races différentes.

Supposons qu’un scientifique darwiniste découvre dans quelques milliers d'années un squelette de pygmée et un squelette de suédois, il pourrait facilement en déduire qu'ils appartiennent à deux espèces d’origines différentes. C’était d’ailleurs l’opinion de certains idéologues nazis, de fervents darwinistes rejetant la conception judéo-chrétienne de l’unité de la race humaine et pour qui les races humaines avaient évoluées à partir de familles de singes à différentes périodes, les noirs ayant évolués plus récemment que les blancs, opinion contredite par la génétique qui défend l’unité de la race ou espèce humaine.

 

Et Adam et Eve dans tout ça ?

Depuis Darwin, la notion d’un homme et d’une femme, un couple unique à l’origine de l’humanité passe dans la culture populaire pour un résidu de vieilles croyances religieuses ou un conte de fée pour enfants avant le CP où bien sûr l’Education Nationale veillera à les rééduquer dans le sens de l’évolution darwinienne.

Or ces dernières années et dernières décennies, la biologie génétique, allant à contre-courant de cette vulgate pseudo-scientifique, a apporté un certain nombre d’éléments justifiant la conception biblique d’un couple unique à l’origine de l’humanité.

Tout d’abord, il y a la découverte déjà ancienne qu’il n’existe que des différences superficielles au niveau génétique entre les « races » d’Asie, d’Afrique, d’Amérique ou des différents peuples indigènes, ce qui a amené  à remettre en question d’un point de vue génétique le concept même de race.

A cause de l’importance des points communs dans le génome humain, de nombreux généticiens en sont arrivés à reconnaître que les êtres humains sur terre ont une origine commune unique.

Ainsi, depuis une vingtaine d’année, est apparu dans le monde des généticiens le concept d’une « Eve mitochondriale » à l’origine de l’humanité. L’existence d’un tel ancêtre féminin unique est attestée par la démonstration qu’il y a une lignée unique de mitochondries, transmises par les femmes, dans les cellules de tous les humains.

Quant au côté masculin, on parle de plus en plus librement d’Adam chromosome Y.

 

Conséquences de la théorie de Darwin sur le darwinisme social, le nazisme et le marxisme

La conception évolutionniste de l’homme et de la vie a souvent été résumée par cette phrase « la survie du mieux adapté » (« the survival of the fittest » selon Herbert Spencer qui basa sa philosophie sur les théories de l’évolution de Lamarck et Darwin). Cette conception correspond à une négation de la conception à la base des droits de l’homme. En effet comment défendre les droits des faibles, des enfants, des moins bien adaptés, des personnes mentalement ou physiquement handicapées si la loi naturelle nous dit que seuls les mieux adaptés doivent survivre pour le bien de l’espèce.

 

Cette notion darwinienne que le progrès s’installe lorsqu’il y a élimination des plus faibles dans le combat pour la survie a été largement utilisée par les nazis.. En effet, quoi de plus darwinien que cette idée des races supérieures qui doivent remplacer les races inférieures au nom de lois naturelles. Ou que cette déclaration d’Adolf Hitler s’opposant aux mariages interraciaux et déclarant que l’on détruirait ainsi « ce qu’il a fallu à la nature des dizaines de milliers d’années à réaliser » (la supériorité de certaines races sur d’autres selon le principe de la survie des mieux adaptés). Toute la politique eugéniste des nazis se voulait être une contribution à l’œuvre imparfaite de la nature, en renforçant la sélection naturelle et éliminant les plus faibles.

 

Dans le domaine économique et social, le darwinisme s’est transformé en darwinisme social une conception qui aboutit à justifier l’exploitation des pauvres par les riches, ce qui correspondait à l’esprit d’une époque où le travail des enfants dans les mines était sérieusement défendu par des membres du parlement britannique.

 

La conception marxiste n’est pas très différente de la conception darwiniste et pose que c’est le travail social qui a permis à l’homme de passer du stade animal au stade humain, une conception qui à nouveau contredit la notion de droits universels de l’homme. En effet, seuls les hommes engagés dans un travail social productif ont de la valeur, les autres, les parasites ou ennemis de classe, ne valent guère mieux que des animaux et sont bons pour le Goulag ou la mort comme les différents régimes de socialisme réel l’ont montré à leurs opposants.

 

Pour un fondement philosophique solide aux droits de l’homme

Quant à la Déclaration des droits de l’homme française, elle reconnaît l’existence de droits imprescriptibles sans reconnaître la source ou le garant de ces droits, ce qui a amené la philosophe Simone Weill à expliquer dans un remarquable petit livre sur les questions sociales et l’aliénation « L’Enracinement » que « les hommes de 1789 ont voulu poser des principes absolus  » avec les droits de l’Homme sans reconnaître « la réalité d’un domaine au dessus de ce monde  », ce qui les a fait tomber dans « une confusion de langage et d’idées  » et violer les droits affirmés auparavant sous la Terreur. En d’autres termes, sans reconnaître de transcendance, il est difficile de justifier des droits inaliénables et universels.

Finalement, on en revient à la reconnaissance d’une transcendance avec la conception chrétienne d’un Dieu créateur qui a fait l’homme à son image en lui donnant des droits imprescriptibles comme le déclare par exemple la Constitution américaine pour pouvoir fonder solidement l’idée de droits universels de l’homme.

 

 

 

 

2ème partie : la remise en cause des valeurs judéo-chrétiennes

 

En plus de la remise en question des soubassements métaphysiques de l’origine de l’univers et de l’homme, les valeurs judéo-chrétiennes ont été attaquées ou remises en question par des idéologies, des conceptions de la vie, du bien et du mal qui dans l’ensemble ont abouti à un relativisme généralisé. Ces conceptions, qu’il s’agisse du marxisme, de la psychanalyse freudienne ou des différentes formes de relativisme, ont effectué un travail de sape sans être systématiquement contredites, se prétendant comme « scientifiques » et dénonçant les conceptions traditionnelles comme « idéalistes » selon les marxistes ou non scientifiques, s’opposant à la jouissance et la libération sexuelle de l’homme (vision freudienne). Même si ces théories ont été sérieusement remises en question, faute d’une crique systématique, elles ont abouti dans nos sociétés occidentales à un relativisme généralisé qui s’oppose la vision chrétienne du monde. Il est temps de clairement montrer que les prétentions des marxistes ou des freudiens, à défendre des théories scientifiques sont largement erronées et que leur remise en question du Christianisme repose sur des bases très fragiles. C’est ce que les articles suivants vont s’attacher à démontrer.

 

 

 

 

1)     Psychologie, sociologie, science et valeurs

 

On a rarement fait une évaluation des méfaits d’une certaine psychologie et d’une certaine sociologie populaire sur les sociétés occidentales. Une telle évaluation sur les décennies passées en remontant aux années d’après-guerre nous donne un bilan qui est loin d’être globalement positif.

 

Pseudo-scientificité de la psychanalyse freudienne

La psychologie se présente comme une approche scientifique de la santé mentale et donc neutre vis à vis des valeurs morales. Un psychiatre ou un psychanalyste estime en général que pour guérir des malades, il ne faut pas émettre des jugements moraux ou se référer à des valeurs absolues mais écouter les personnes définir leurs propres valeurs.

Cette approche psychologique se veut scientifique depuis Freud et la création de la psychanalyse mais force est de noter entre autres à propos de ce caractère scientifique, que chaque fois que le fondateur de la psychanalyse Sigmund Freud s’est avancé sur le terrain de l’histoire ou de l’anthropologie, ses théories ont été largement rejetées dans ces domaines par les scientifiques concernés.

 Ainsi l’idée du meurtre du père comme origine de la civilisation défendue dans « Totem et Tabou » est largement discréditée par les anthropologues.

 La théorie défendue dans « Moïse et le Monothéisme » d’un Moïse égyptien massacré par les juifs dans le désert du Sinaï qui auraient ainsi reproduit le « meurtre du père » est encore plus largement discréditée par les spécialistes de la Bible et les historiens.

Quant à son affirmation dans l’un de ses derniers ouvrages, « L’Avenir d’une illusion » que « la religion est la névrose obsessionnelle de l’humanité », elle ne fait que refléter ses préjugés athées et antireligieux et n’est pas sans rappeler Karl. Marx déclarant que la religion est l’opium du peuple. Cela devrait nous inciter à ne pas prendre pour argent comptant ses théories et l’usage qui en est fait sous le couvert de la science.

Un concept freudien central comme le complexe d’Œdipe, a non seulement été largement discrédité comme n’ayant pas grand-chose à voir avec le mythe grec d’Œdipe (pour Freud, le mythe d’Œdipe raconte l’histoire d’un fils qui désire tuer son père et coucher avec sa mère alors que chez les Grecs, c’est l’inverse avec Laïos qui veut tuer son fils et ordonne son meurtre pour échapper à la malédiction qui lui vaudrait d’être tué par lui alors qu’Œdipe n’a aucunement l’intention de tuer son père) et n’ayant pas grande valeur scientifique mais, plus grave, comme ayant servi à couvrir ou à nier des cas d’abus sexuel et de pédophilie dès son origine.

En effet, Freud est passé sans véritable justification scientifique d’une théorie de la séduction d’un enfant par un adulte à l’origine de bien des névroses à la thèse que les scènes de séduction dans l’enfance évoquées par ses patient(e)s n’étaient que des fantasmes liés aux désirs incestueux de l’enfant. Pourtant Freud reconnaît dans une lettre à Wilhelm Fliess que son frère même avait été victime d’abus sexuel de la part de son père qu’il qualifie de pervers ainsi que « certaines de mes sœurs cadettes », ce qui était à l’origine de son hystérie.

Cette thèse du complexe d’Œdipe aura un succès phénoménal sur la psychologie populaire en Occident et sera reprise plus tard, entre autres par des pédophiles, qui se sont mis à parler de la nécessité de libérer la sexualité infantile. Cela a permis d’évacuer largement la responsabilité des adultes dans la genèse des troubles psychiques.

L’idée freudienne d’un inconscient comme étant essentiellement le siège de la libido refoulée et de tous les fantasmes qu’elle suscite amène à considérer l’homme comme un animal en rut qui a de l’imagination. Cette idée a été rejetée par le principal disciple de Freud, Karl Gustav Jung qui lui, voit en l’inconscient le siège des archétypes, des images primordiales à l’origine des grands mythes et grandes religions. Les relations entre Freud et Jung sont bien connues et en lisant leurs divers échanges épistolaires, on a plutôt l’impression d’un chef de secte qui sent son pouvoir menacé par un disciple que d’échanges entre scientifiques sur la nature de l’inconscient. Il ne s’agissait pas bien sûr chez Jung  de nier l’importance de la sexualité, des besoins sexuels chez l’homme mais de les mettre en relation avec les autres dimensions de la psyché humaine individuelle et même collective, d’où l’idée d’inconscient collectif.

 

La Révolution sexuelle

La conception freudienne de l’inconscient se retrouve dans le concept de « Révolution sexuelle ». C’est ainsi que Wilhelm Reich, disciple de Freud et auteur du livre « La révolution sexuelle », a mis à la mode l’idée que la morale sexuelle était un moyen utilisé par la bourgeoisie pour asseoir sa domination. Reich en appelait à une libération sexuelle de la morale et du mariage « bourgeois », y compris concernant les enfants. Ce mélange de marxisme et de psychanalyse a été repris et modifié par Herbert Marcuse (« Eros et Civilisation », « L’homme unidimensionnel » et par tous les soixante-huitards dont Daniel Cohn-Bendit, auteur de souvenirs sur l’éducation des enfants dans sa commune en Allemagne frisant la pédophilie. Son cas n’était pas isolé, plusieurs de ses compagnons des Grünen ayant été éclaboussés par des scandales pédophiles.

Cohn-Bendit s’est excusé en invoquant l’esprit de l’époque et effectivement, on a assisté au cours des années 70 à 2000 à un soutien accordé à des pédophiles avérés dans les média et les cercles universitaires, des personnes comme Gabriel Matzneff ou Tony Duvert ayant été encensés par Libération, Le Monde etc. Tony Duvert selon qui « il n'existe qu'un moyen de découvrir la sexualité de quelqu'un, petit ou grand, c'est de faire l'amour avec lui », auteur qui a reçu entre autres le prix Médicis, s’est appuyé sur les théories de S. Freud sur la sexualité enfantine pour justifier ses activités pédérastes. Il réclamait dans son livre « Le bon sexe illustré » une « libération sexuelle » des enfants par la pédophilie, la sexualité des enfants étant selon lui opprimée par la société.

Quand la pornographie de masse a commencé à se développer à partir des années 1970, les milieux de psychologues ont largement sous-estimé ou carrément ignoré ses effets nocifs et ses implications pour la criminalité sexuelle. Bien au contraire, toujours selon un point de vue soit disant scientifique, ils ont parlé de l'effet de « catharsis » que pouvait avoir la pornographie empêchant les personnes de passer à l'acte par le défoulement supposé résultant du visionnage de vidéos pornographiques. Il a fallu tout d'abord le rapport d’une commission du congrès américain (la commission Meese) pour faire voler en éclat ces théories soit disant scientifiques. La commission du congrès, se basant sur de très nombreux rapports de police, a montré que dans la très grande majorité des cas de crimes sexuels et de pédophilie, les criminels faisaient une intense consommation de pornographie.

Depuis, lors de l'affaire Dutroux comme dans diverses affaires de crimes sexuels en France, on a pu voir les liens entre la fabrication et la consommation de cassettes pédophiles et le passage à l'acte, liens mis en évidence en surfant simplement sur le Web où les formes les plus violentes de pornographie et pédophilie sont proposées. Plus grand monde ne croit à la non nocivité de la pornographie et quand les industriels du porno essayent encore aujourd’hui de défendre cette idée, on comprend vite qu’il s’agit de défendre leur marché et leurs intérêts commerciaux. Sans doute, de nombreux crimes auraient pu être évités si les milieux de psychologues avaient été plus clairs sur ce sujet et n'avaient pas donnés une caution scientifique à des théories infondées. Comme le disait avec un simple bon sens un témoin à la commission Meese, un marchand de bière ou de cigarettes sait très bien l'impact que peut avoir un spot publicitaire d'une minute sur ses produits, aussi comment un industriel de la pornographie pourrait ignorer l'impact d'une cassette pornographique de 60 mn.

Un dernier point concernant une approche psychologique qui fait passer au premier plan le corps ou la chimie du cerveau au détriment de l’esprit et de la prise en compte des causes profondes des malaises mentaux, est qu’elle a abouti en psychiatrie à une médicalisation outrancière et dont les résultats sont loin d’être concluants. Ainsi en France où la consommation d’antidépresseurs par habitant est l’une des plus élevées au monde, on a un taux de suicide, particulièrement chez les jeunes qui nous place aussi dans le peloton de tête des nations. Bien sûr, un suicide a des causes multiples mais l’administration américaine (Food and Drug Administration) a mis en garde contre les effets d’incitation au passage à l’acte de plusieurs médicaments utilisés en psychiatrie comme le Prozac, un antidépresseur largement distribué en France depuis les années 90 et longtemps surnommé pilule du bonheur.

Plus largement, cette psychologie populaire a abouti à une notion de déresponsabilisation générale, une culture de l’excuse et de la victimisation. Depuis les années d’après-guerre, on explique que si de jeunes délinquants commettent des actes violents, la cause provient de leur environnement familial ou social et non du fait qu'ils se sont comportés de façon irresponsable en agissant mal.

Le terme même d'éducation implique étymologiquement une hiérarchie entre celui qui éduque et celui qui est éduqué. Les textes sacrés chrétiens, livre des morts égyptiens ou confucianistes ou autres insistent sur le respect des anciens comme le « Tu honoreras ton père et ta mère » dans les 10 commandements bibliques. On retrouve cette hiérarchie dans les arts martiaux entre le maître et ses disciples.

Cette approche a été remise en question par de nombreux psychologues qui voyaient en elle de « l'autoritarisme » ou l’application de traditions rigides sans comprendre la vraie motivation du respect des anciens. Il s'agissait de permettre la transmission de valeurs pour permettre à la civilisation d'avancer.

Or les effets de ce rejet de l’autorité, à commencer par l’autorité parentale, sont loin d’être positif : diverses études montrent un lien clair entre délinquance juvénile et absence de repères due à l’effondrement de l’autorité parentale, en particulier dans les familles monoparentales (voir entre autres « La violence des jeunes » (Gallimard) de Philippe Chaillou, ancien juge d’enfants, actuellement conseiller à la cour d’appel de Paris).

Comment enseigner une sexualité responsable pour reprendre une expression du pape Jean-Paul 2, la responsabilité vis à vis de ses actes et paroles en matière d'amour s'il faut avant tout ne pas culpabiliser parce que c'est mauvais pour notre santé mentale et si « l'éducation sexuelle » fournie dans le cadre de l’éducation nationale se résume à des techniques de contraception/avortement/protection et à une forme d’encouragement aux relations sexuelles précoces hors mariage. Cette « éducation » mine l’autorité des parents qui ont des valeurs religieuses ou au moins humanistes et a contribué au développement de la violence sexuelle chez de très jeunes adolescents nourris de pornographie.

Sociologie

- L'étude des cultures et sociétés a amené à relativiser la valeur des morales et religions qui sous-tendaient ces cultures. Au nom du respect de toutes les cultures, idée particulièrement mise en avant par l'UNESCO dans les années 70-80, il ne faut émettre aucun jugement sur une pratique culturelle tant qu'elle est pratiquée dans un pays, trouver que la polygamie est aussi valable que la monogamie, que la façon dont sont traitées les femmes en Afghanistan est aussi valable que la façon d'éduquer les jeunes filles en Europe, que tout se vaut et qu’il faut respecter les différences.

Cela a amené à nier l'existence de valeurs universelles, objectives. Vous êtes hétérosexuels, cela correspond à un modèle, un choix, par contre être « homophobe » est tout à fait moralement critiquable, vous êtes bigame, c'est votre affaire, polygame, tant mieux pour vous, il s’agit de divers choix culturels. Bien sûr à ce jeu on s'aperçoit toujours trop tard que l'on est allé trop loin. Ainsi les Man and Boys Associations (Manba) aux USA ont demandé pendant longtemps une reconnaissance du droit à la pédophilie. Vous êtes pédophile, c'est un choix qui vous regarde, disaient ces grands défenseurs des libertés individuelles, le seul problème c'est que cela a des conséquences désastreuses sur les enfants que vous dites aimer.

Il y a une différence profonde entre dire que les valeurs universelles sont difficiles à connaître, qu'il faut souvent remettre en question sa conception du bien et du mal, l'affiner et d’autre part nier la possibilité même de l'existence de ces valeurs. La deuxième attitude ruine à la base tout système éducatif qui veut sortir du tribalisme et affirmer l'universalité de la nature humaine.

 

Résultats

 

Quelles alternatives ?

 

Des alternatives aux approches pseudo scientifiques à la mode en sciences humaines existent pourtant, montrant l'importance de la structure familiale. La psychologie et la sociologie ne devraient pas avoir le rôle subversif qu'elles ont eu vis-à-vis de la famille car la plupart des études récentes en sciences humaines montrent l'importance des valeurs familiales pour le développement de l'enfant et sa socialisation future.

 

En psychologie

 

En sociologie

Au fil des ans, Jelen observe une différence croissante entre le degré d'intégration de ces deux groupes. Les enfants d'asiatiques s'adaptent bien au système scolaire français, le taux de criminalité dans les quartiers à fort taux d'asiatiques en région parisienne est plutôt inférieur à la moyenne, alors que pour les immigrés africains, c'est la situation inverse.

Jelen explique la raison de cette différence dans la structure familiale de ces deux communautés, les Asiatiques ont préservé leurs valeurs confucianistes tournées vers l'éducation alors que les familles africaines ont très mal supporté le choc culturel de l'immigration.

Dans ce contexte, les familles polygames représentent un handicap très lourd pour l'éducation des enfants et l'intégration à la société, selon Jelen.

Conclusion rapide

 

 

 

2)     L’attaque du marxisme contre les valeurs Judéo-chrétiennes avec son approche matérialiste concernant l’homme, l’histoire et la société repose-t-elle sur des bases solides ?

 

 

Conception marxiste de l’homme

 

Au cœur de chaque idéologie ou religion, il y a une certaine conception de l'homme, de sa relation avec Dieu (s'il y a lieu) et avec la nature. C'est sans doute la réponse apportée à la question : « qu'est-ce que l'homme ? » qui nous permet le mieux d'évaluer un système de pensée.

 

Derrière toute la phraséologie humaniste utilisée par les communistes, il y a donc une certaine idée de l'homme bien qu'elle ne soit pas mise en valeur car, en général, les gens ne poussent pas jusqu'au bout leurs questions et préfèrent ne pas considérer les implications métaphysiques de leur engagement.

Pourtant, cette vision de l'homme constitue le noyau du marxisme et permet de le situer par rapport au christianisme et à l'humanisme. Elle nous permet de saisir ce qu'il y a d'abusif et de contradictoire dans l'utilisation que font les communistes des mots de « libération » ou de « démocratisation ».

 

Pour les communistes, l'homme est un être matériel au même titre que les animaux, mais il se distingue d'eux par son haut développement. La matière, selon le matérialisme dialectique, possède un dynamisme inhérent qui lui permet, à partir de composés inorganiques, de former des êtres vivants unicellulaires comme l'amibe. Ces êtres inférieurs ont évolué jusqu'à l'homo sapiens en passant par de nombreux stades. Pour un idéaliste, l'homme n'est pas un animal évolué, mais un être doué de raison, un être éthique qui possède des droits humains et une dignité due à une personnalité unique. Pour le matérialisme communiste, ce ne sont ni la raison, ni les droits, ni le caractère qui distinguent fondamentalement l'homme de l'animal, mais le travail social.

 

Théorie marxiste de l’évolution

 

Marx comme Engels admiraient la théorie de l’évolution par la survie des mieux adaptés selon Darwin, théorie qui correspondaient bien à leur idéologie d’une lutte impitoyable pour le développement. Ainsi Marx demanda à Darwin d’écrire une préface à son œuvre principale « Le Capital », ce que Darwin refusa. D'après Engels, la faculté de raisonner et le caractère se sont développés chez l'homme dans une relation dialectique avec le travail et particulièrement le travail social. C'est par l'utilisation d'instruments que des singes ont évolué progressivement jusqu'à l'homme. Le travail a intensifié le besoin de communiquer, origine du langage, et permit le développement de la raison. « La production de matériaux nécessaires au travail (outils de travail) distingue l'homme de l'animal plutôt que la conscience ou la religion» (Engels). La coopération dans le travail a amené les hommes à développer des relations étroites et à former des sociétés. L'ordre et la religion devinrent nécessaires pour faciliter la vie sociale et pour permettre aux hommes au pouvoir de gouverner efficacement. La personnalité, les critères de valeurs, les principes moraux, les droits et la liberté ne sont pas liés à la nature humaine aussi on ne peut les considérer comme absolus ; ils résultent simplement de la vie en société.

Pour les matérialistes conséquents on ne peut dire que chaque homme a une valeur unique. Le caractère et les droits résultant du travail social, on ne peut les reconnaître que chez ceux qui participent à ce travail. Or, selon les communistes, ce n'est que dans une société communiste que le travail social sera garanti et que l'exploitation sera supprimée. Aussi, la plus haute forme de travail social est l'activité révolutionnaire. Par la pratique révolutionnaire, la conscience de l'individu en arrive à saisir clairement la réalité sociale et historique dans laquelle il vit. Il peut donc agir librement et devient véritablement un homme. On ne peut donc reconnaître véritablement des droits et une dignité humaine que chez les révolutionnaires et ceux qui les soutiennent. Par contre, selon cette théorie, ceux qui s'opposent à la révolution n'ont pas plus de valeur que les animaux, aussi peut-on les supprimer sans pitié.

Considérant l'homme de ce point de vue, Staline et Mao-Tsé-toung ont pu justifier le massacre de dizaines de millions de personnes. Même si le côté humaniste des discours communistes séduit beaucoup de gens, il n'y a rien dans la philosophie marxiste qui permette de fonder la dignité et les droits de l'homme si ce n'est sa participation au travail social et son utilité dans le processus révolutionnaire.

 

Critique de la conception marxiste de l’homme

 

a) Critique scientifique

La conception de l'homme selon Engels se fondait sur la théorie de l'évolution continue de Darwin. Or, cette théorie a été progressivement remplacée par celle de l'évolution discontinue par mutations brusques. Aussi, on ne peut dire si c'est l'utilisation d'instruments, le travail social et le développement du langage qui sont la cause de l'apparition de l'homme, ou si, au contraire, ce sont de profondes mutations physiques et psychiques qui ont permis le développement du travail social et du langage. Ainsi, l'hypothèse d'Engels qui fait du travail social le moyen de la transformation du singe en l'homme, n'est pas vérifiée et la science moderne, depuis la découverte du rôle des codes génétiques, ne rejette pas à priori l'action d'une volonté créatrice derrière le processus de l'évolution.

 

b) Critique d'un point de vue humaniste

La conception communiste de l'homme est incompatible avec le respect des droits de la personnalité ou de la liberté de l'homme. Cette conception ne peut permettre de fonder véritablement une éthique ou des principes moraux. En effet, d'après les communistes, les droits, la liberté ou les principes moraux ne sont pas transcendants ou liés à la nature humaine, mais ils ne font que refléter un rapport de force, un compromis entre la bourgeoisie et le prolétariat, aussi, leur respect doit être subordonné à la réalisation du socialisme. Par conséquent, partout où des groupes d'inspiration marxiste ont pris le pouvoir, ils ont supprimé toutes les libertés fondamentales, (liberté de la presse, d'association, d'opinions, etc.).

Souvent les marxistes prétendent être des humanistes. Découlant du mouvement des lumières (Diderot, D'Holbach, Rousseau) le marxisme a effectivement quelques liens historiques avec l'humanisme, mais on ne peut le qualifier d'humaniste au sens actuel du terme. En effet, l'humanisme a toujours reconnu la dignité de la personne humaine et ses droits. Aussi, Marx et Engels se sont définitivement coupés du courant des humanistes matérialistes, en particulier de leur contemporain Ludwig Feuerbach, en subordonnant le respect de la dignité et des droits de l'homme au processus révolutionnaire.

L'humanisme a donné à l'homme la liberté de conscience nécessaire à la poursuite de la vérité. Cependant comme en général à l’exception notable de l’humanisme intégral de Jacques Maritain, les humanistes ne font pas dériver la dignité humaine d'une source plus élevée, mais font de l'homme un absolu, l'humanisme risque de se diriger vers le totalitarisme. Ainsi la révolution française d'origine humaniste contenait en germe aussi bien un élan vers la liberté que le régime de la terreur.

 

 

MATERIALISME HISTORIQUE

 

BASE ET SUPERSTRUCTURE

En tant que matérialiste athée, Marx croyait que la conscience humaine était un produit de la matière. Il voyait en la matière la cause première et la réalité fondamentale, les pensées, les émotions et la volonté n'étant que des reflets de cette réalité dans le cerveau. Cette croyance somme toute métaphysique est la base de l'analyse marxiste de la société.

Marx distinguait dans la société un fondement et une superstructure. D'après lui le fondement est constitué par le système économique ou plus précisément les rapports de production. Les institutions et conceptions politiques religieuses et juridiques, la vie artistique et la philosophie forment la superstructure qui se développe à partir de ces rapports de production.

Marx appela les rapports de production (équivalent social de la matière) « l'être social de l'homme », et les idéologies de la superstructure (équivalent social de l'esprit) « la conscience ». Une phrase résume bien cette relation conscience – être social : « Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur être, mais au contraire, c'est leur être social qui détermine leur conscience » (Marx : préface de la Critique de l'économie politique).

La superstructure est censée se développer suivant le progrès des rapports de production. Les rapports de production sont remis en question par le progrès des forces de production, un tel conflit engendrant de nouveaux rapports de production. Les luttes dans les superstructures reflètent les luttes dans le fondement.

Les progrès dans la superstructure sont réalisés par des luttes qui ont leurs causes dans des conflits entre des intérêts économiques opposés.

« Une superstructure est le produit d'un fondement donné. Aussi elle ne dure pas plus longtemps et disparaît lorsque les conditions économiques changent » (Staline : Linguistique et Marxisme).

 

CONCEPTION DE L'ETRE ET LA CONSCIENCE

Marx développa son analyse matérialiste de la société en réaction contre la conception idéaliste suivant laquelle les idéaux et les institutions sont les facteurs décisifs du progrès social. Selon la philosophie idéaliste, les hommes établissent les institutions selon leurs opinions religieuses et morales. La vie économique se développe ensuite à l'intérieur de ces institutions.

Par exemple, si l'on a supprimé le servage féodal, c'est parce que les hommes ont pris conscience qu'ils sont fondamentalement égaux, et par conséquent, ils doivent avoir les mêmes droits.

Selon l’approche idéaliste l'esprit précède la matière. L'homme fait d'abord un projet puis le réalise par son action. De même pour le progrès social, tout d'abord de nouvelles idéologies apparaissent, puis les institutions sont transformées, entraînant une amélioration des conditions économiques.

Comme pour de nombreux autres problèmes philosophiques, Marx a développé sa théorie sur l'être et la conscience en prenant le contre-pied des idées admises de son temps. D'après lui, l'effondrement de la société féodale ne vient pas des théories sur l'égalité entre les hommes, mais des nouvelles conditions sociales apparues avec le développement des manufactures préindustrielles.

Les communistes ne pensent pas non plus que l'avènement des sociétés communistes est dû aux théories marxistes. Ce sont les conditions économiques et sociales du capitalisme qui provoquèrent le développement de la théorie communiste. Les théories communistes ne sont que le reflet idéologique des contradictions, des conflits et des luttes propres aux sociétés capitalistes.

« Est-il besoin d'une intuition profonde pour comprendre que les idées et les conceptions de l'homme, en un mot sa conscience, change chaque fois que les conditions matérielles de son existence et ses relations sociales se transforment ? » (Marx et Engels Manifeste du parti communiste).

Les matérialistes sont donc convaincus que ce ne sont pas les changements idéologiques qui affectent les conditions matérielles, mais la transformation des conditions sociales qui provoque l'évolution des consciences. Aussi, pour transformer les hommes et en faire de  vrais communistes, il faut contrôler leur environnement social.

Contrairement aux idéalistes, les communistes considèrent que les idées et les valeurs sont transitoires et malléables. Elles apparaissent et disparaissent en relation avec leur fondement économique.

« Chaque base possède une superstructure économique qui lui correspond. Le système féodal a sa propre superstructure, c'est-à-dire ses propres vues politiques, légales et autres, ainsi que des institutions correspondantes. Il en est de même pour le capitalisme et le socialisme ». (« Matérialisme dialectique et matérialisme historique » J Staline).

 

AFFIRMATIONS INJUSTIFIEES DANS LES THESES DE MARX

Sur beaucoup de points, la théorie marxiste de la base et la superstructure est faite d'affirmations arbitraires sans support théorique. Par exemple, Marx considère les rapports sociaux comme l'équivalent social de la matière et prétend que les conditions matérielles déterminent la pensée.

Cherchant dans la société quelque chose qui corresponde à la matière, Marx opta pour les rapports sociaux. Cependant, les facteurs d'ordre humain et culturels, tels que la conscience de l'homme affectent profondément les rapports sociaux.

Alors, pourquoi Marx a-t-il choisi quelque chose qui comporte un aspect spirituel comme équivalent de la matière ? La réponse est simple : il y était obligé, car il n'aurait jamais pu convaincre personne que les éléments purement matériels de la société (biens économiques, investissements de production) dominent et contrôlent les idées et institutions. En assimilant les rapports sociaux à la matière il rendait son matérialisme plus vraisemblable. Mais cette analyse n'est pas fondée sur une recherche scientifique, c'est plutôt le résultat d'un choix arbitraire en faveur du matérialisme. Bref, Marx ne peut pas démontrer que les rapports sociaux correspondent à la matière. La thèse de Marx suppose que le fondement supporte la superstructure et de plus qu'il détermine le caractère de cette superstructure.

Le but poursuivi par Marx était de nier le rôle moteur de la conscience et de la volonté humaine dans l'évolution des sociétés. Aussi, il devait soutenir que les forces de production progressent indépendamment de la volonté humaine.

Ses affirmations et ses pseudo démonstrations partent du désir de justifier et défendre ses positions matérialistes plutôt que du désir de comprendre la société et l'histoire par une analyse scientifique.

Si les affirmations de Marx étaient soutenues par l'histoire, il n'y aurait rien à dire contre son parti pris matérialiste et l'aspect dogmatique de ses théories. Mais les faits historiques réfutent complètement la théorie marxiste de la base et la superstructure.

 

LA REFUTATION DE L'HISTOIRE

Si la vision marxiste de l'histoire était correcte, les institutions de chaque époque devraient disparaître avec le renversement du fondement économique de cette époque. Si les idéaux et les institutions se maintiennent après la disparition de leur fondement respectif, cela signifie qu'ils ont une valeur qui transcende leur propre époque.

Selon Marx, l'art grec et le droit romain doivent leur existence aux rapports sociaux des sociétés esclavagistes. Ils auraient dû disparaître avec la suppression de ces rapports sociaux. Pourtant, ils sont toujours appréciés et le droit moderne s'inspire largement du droit romain. De même, le christianisme existe depuis plus de mille neuf cents ans bien que les relations de production aient changé de nombreuses fois durant cette période. Le confucianisme et le bouddhisme ont une histoire encore plus longue. Ces religions ont offert et offrent toujours une forte résistance à la tentative des communistes de les extirper d'Union Soviétique et de Chine.

Depuis, de nombreuses révisions ont été apportées au marxisme pour expliquer que les superstructures se maintiennent après la disparition de leur fondement. Aujourd'hui, les marxistes prétendent que les vues d'un âge révolu sont parfois conservées si elles sont utiles à une époque ultérieure. Selon eux, si le droit romain fut conservé dans le droit bourgeois c'est parce qu'il avantageait la bourgeoisie.

Engels a admis que si les idéologies et institutions sont généralement produites par les conditions économiques, le type particulier de gouvernement ou de société existant dans un pays à une époque donnée ne peut s'expliquer par les seules conditions économiques de cette époque. Divers facteurs propres au pays considéré, tels que la personnalité des dirigeants, le caractère national ou l'histoire passée du pays influencent la formation de ce type de gouvernement.

Bien que Marx eût affirmé que les idées et les institutions progressent suivant une loi objective parallèlement aux relations de production, ses successeurs ont admis qu'il n'en était pas toujours ainsi. Cela revient à admettre des contradictions au cœur du marxisme.

Si la société bourgeoise a largement utilisé les concepts du droit romain c'est parce que sa conception du droit est semblable en bien des points à celle des Romains. Si l'art grec est apprécié dans toutes les sociétés, cela signifie que les hommes de tous temps ont une sensibilité artistique commune. Si l'on admet l'existence d'une telle sensibilité, on porte atteinte au matérialisme strict. Cela implique qu'il existe des valeurs spirituelles sans rapport avec les rapports de production.

Marx ne pouvait accepter l'existence de telles valeurs après avoir critiqué sévèrement Feuerbach qui défendait de telles idées. Aussi il fut amené à prendre une position contraire aux évidences de l'histoire à cause de son parti pris matérialiste.

La conception idéaliste de l'histoire a souvent tendance à sous-estimer le rôle des facteurs économiques dans le progrès social. Mais le marxisme fait une erreur bien plus grossière en faisant des conditions économiques le moteur de l'évolution sociale et en affirmant que les forces productives se développent indépendamment de la volonté humaine.

Il semble que Marx n'a jamais compris ce qui fait l'unité d'une culture derrière ses aspects techniques, économiques, sociaux ou moraux. Sa volonté de tout réduire à des conditions matérielles l'a amené à sous-estimer l'importance des facteurs spirituels.

Une évolution décisive allant à l’encontre de la théorie d’origine du marxisme, fut celle d’Antonio Gramsci, fondateur du Parti Communiste Italien, qui dans une longue œuvre écrite en prison sous le fascisme italien, expliqua le refus des masses dans les pays capitalistes de faire la révolution par le concept d’hégémonie culturelle exercé par la classe dominante, d’où l’idée qu’une révolution culturelle devait précéder la révolution sociale et économique.

Après guerre, l’école de Frankfurt popularisa cette idée en l’associant à la psychanalyse, prônant le concept de révolution sexuelle comme un préalable à la révolution. Les principaux représentants de cette école, Wilhelm Reich et Herbert Marcuse eurent une influence décisive sur les mouvements de révolte étudiants dans les années 60-70 aux Etats-Unis puis en Europe. Il est bon de noter que Marcuse, vu souvent comme un apôtre de la révolution sexuelle, mit en fait un bémol à cette idée, écrivant dans l’Homme Unidimensionnel que la sexualité débridée dans un système capitaliste pouvait être utilisée pour mieux asservir les masses.

En conclusion, malgré ces différentes évolutions, révisions et contradictions apportées à la théorie originale, les marxistes ne feront jamais une approche objective de l'histoire tant qu'ils n'auront pas abandonné la théorie de la base et la superstructure.

 

Introduction aux lois de l’Histoire

Pour les marxistes, Marx a fondé une science nouvelle, la « science de l'histoire ». C'est dans le matérialisme historique que les communistes fondent leurs espoirs en un monde meilleur, leur foi dans le « sens de l'histoire ». Le marxisme apporte la conception matérialiste de l'histoire la plus cohérente. Aussi, une étude critique nous amène à nous poser de façon pressante ces questions que Marx s'était posées et avait cru résoudre : Y a-t-il des lois objectives dans l'histoire ? L'histoire a-t-elle un sens ? Quels sont les rôles respectifs des facteurs matériels et spirituels dans le développement de l'histoire ? La tentative de Marx se révélera être un échec à cause de son orientation idéologique, mais sa critique de l'immobilisme des théories idéalistes de son temps est souvent justifiée et on ne saurait sous-estimer sa recherche d'une vision transformatrice du monde.

 

LOIS DU DEVELOPPEMENT DE L'HISTOIRE

Hegel a construit sa théorie de l'histoire sur sa conviction que le monde matériel était la manifestation de l'Esprit ou de la Raison. Aussi, appliquant la dialectique à l'histoire humaine, il énonça une série de lois d'inspiration idéaliste selon lesquelles l'histoire se dirigeait vers la réalisation d'un Etat idéal. Marx était profondément influencé par les théories d'Hegel, bien qu'il fût un matérialiste convaincu. Aussi chercha-t-il à remanier ces théories selon ses propres convictions ou selon ses termes « remettre sur ses pieds la dialectique hégélienne ». Pour Marx, le progrès devait avoir une cause matérielle, aussi fallait-il chercher la raison du développement de l'histoire dans l'aspect matériel que présentent les différentes sociétés. Marx pensait que les relations économiques constituaient le fondement d'une société, ce qui correspondait à sa conception matérialiste de l'homme. En effet, selon lui, les besoins essentiels de l'homme étaient d'ordre matériel et la société s'organisait à partir de la nécessité de satisfaire ces besoins. Pour Marx, l'aspect matériel objectif de la société comporte deux éléments : les forces productives (c'est-à-dire les outils et la main d'œuvre) et les rapports de production (c'est-à-dire les rapports entre hommes axés sur les activités de production et d'échange et sur les moyens de production). Marx proposa plusieurs lois concernant le rôle des forces productives et des rapports de production dans le développement de l'histoire :

1. Les forces productives progressent constamment.

2. Le progrès des forces productives et des rapports de production se fait indépendamment de la volonté de l'homme.

3. Le progrès des forces productives détermine le développement, des rapports de production.

4. Lorsque les forces productives atteignent un certain stade de développement, les rapports de production deviennent un obstacle au progrès des forces productives, et la révolution éclate.

Nous allons examiner de plus près ces « lois ».

 

1. Les forces productives progressent constamment.

L'étude de l'histoire montre que les forces productives se sont continuellement développées de l'usage d'outils en pierre jusqu'à la technologie actuelle. Les outils ont évolué ainsi que l'expérience et les connaissances de la main d’œuvre. Marx a repris la théorie de l'auto-développement des idées de Hegel, la remplaçant pas celle de l'auto-développement des forces productives. Or, selon le matérialisme dialectique, les choses progressent à cause de la contradiction à l'intérieur de chacune d'elles et du conflit entre elles. Le progrès et les forces productives, cause du développement des rapports de production, doit donc provenir d'une contradiction entre deux éléments contenus dans les forces productives.

Quels sont donc ces deux éléments contradictoires ? Les forces productives comprennent les outils de production et la force de travail. Ces deux éléments sont-ils contradictoires ? Si oui, lequel représente l'affirmation, lequel représente la négation ? Marx et ses partisans ne répondent pas clairement à ces questions. Certains passages de l’œuvre de Marx laissent supposer que la cause première du progrès des forces productives est le désir de l'homme d’avoir une vie plus heureuse, ce qui pourrait être accompli par une simplification du travail et une amélioration des outils de production. Mais pourquoi Marx n'a-t-il jamais affirmé cela clairement ? La raison en est que s'il avait énoncé ce fait sous forme de loi, cela aurait signifié qu'il reconnaissait l'existence d'une cause et d'un but déterminés (satisfaire le désir de l'homme) à l'origine du développement des forces productives. Cela l'aurait conduit à admettre que la matière (les forces productives) était contrôlée par l'esprit (le désir de l'homme). Il aurait ainsi contredit sa propre philosophie (le matérialisme dialectique) qui nie que le progrès ait un but et que l'esprit dirige la matière. La cause du développement des forces productives se trouve au centre de la conception matérialiste de l'histoire. Son caractère ambigu et non-dialectique rend fragile tout l'édifice du matérialisme historique.

 

2. Le progrès des forces productives se fait indépendamment de la volonté humaine.

Selon Marx, même si le développement des forces productives nécessite l'apport de la volonté humaine, il se fait indépendamment de cette dernière. En effet, la conscience de l'homme est déterminée par les conditions matérielles dans lesquelles il vit. Aussi, ce sont les conditions matérielles et non la volonté de l'homme qui déterminent le progrès des forces productives.

Pour soutenir cette idée, Marx dit que James Watt n'a jamais prévu que sa découverte de la machine à vapeur amènerait la révolution industrielle. Mais, en réalité, il a fallu toute une série d'inventions pour déclencher la révolution industrielle. Chacune était le fruit de la volonté d'un chercheur mettant à profit les découvertes antérieures. Derrière toutes ces inventions se manifeste le désir objectif de l'homme d'inventer, de connaître et de maîtriser la nature.

Trois facteurs sont nécessaires au développement des forces productives :

-       le désir d'inventer, le chercheur doit faire preuve de persévérance et de ténacité ;

-       l'expérience et la connaissance scientifique

-       des conditions matérielles et sociales adéquates.

L'invention est le résultat de la relation entre des facteurs spirituels (le désir d'inventer et la connaissance scientifique accumulée entre autres) et des facteurs matériels. Marx a affirmé qu'un seul de ces trois facteurs, les conditions matérielles et sociales, déterminait les deux autres. La raison de cette affirmation n'est pas scientifique mais idéologique. Si Marx avait reconnu que la volonté ou la connaissance était l'élément le plus fondamental, il aurait porté atteinte à ses convictions matérialistes.

 

3 Le progrès des forces productives détermine le développement des rapports de production.

Selon Marx, si les instruments et les techniques de production changent, les relations de production sont aussi affectées. Par exemple, quand les forces de production atteignirent le stade de l'agriculture et de l'artisanat, les relations de productions furent celles de la société féodale.- Lorsque ces forces atteignirent le stade de l'industrie mécanisée, les rapports de production de la société capitaliste apparurent. Mais si ces faits montrent qu'il y a une interaction entre le progrès des forces productives et le développement des rapports de production, on ne peut en déduire que l'un détermine l'autre.

Marx a soutenu cette idée pour rester fidèle à son matérialisme. Pourtant nous voyons que les sociétés communistes censées connaître les rapports de production les plus avancés se sont établies dans des pays où les forces productives étaient peu développées, tandis que le capitalisme s'épanouit dans les nations ayant les forces productives les plus développées. Ce fait, ainsi que bien d'autres récuse la théorie de Marx sur la relation entre les forces productives et les rapports de production.

 

4. Lorsque les forces productives atteignent un certain stade, les rapports de production deviennent un obstacle au progrès des forces productives et la Révolution éclate.

Cette « loi » convenait à merveille aux desseins révolutionnaires de Marx, car elle lui permettait de prédire que la société capitaliste deviendrait inévitablement un frein au progrès des forces productives et devrait être finalement renversée par la société socialiste. Mais, depuis l'époque de Marx, une meilleure compréhension de l'histoire ancienne et l'échec des prévisions marxistes concernant la société capitaliste ont sérieusement discrédité cette théorie.

Marx maintint que la société antique esclavagiste s'effondra lorsque les esclaves se révoltèrent, établissant ainsi la société féodale. Bien que cette interprétation corresponde au matérialisme historique, elle n'est pas vérifiée par les faits. La société antique n'était pas exclusivement une société esclavagiste. Elle comportait simultanément des communautés de type primitif, une classe commerçante importante et un système esclavagiste. La chute de la société antique était due à la corruption du gouvernement impérial, au déclin de la mythologie fondatrice de la civilisation gréco-romaine, causé en partie par le développement du christianisme et à l'invasion des peuples barbares venus du Nord. Il n'y a pas eu les révoltes massives d'esclaves auxquelles Marx attribue la chute de la civilisation antique. Cette « loi » du matérialisme historique s'applique encore moins facilement aux temps modernes où les sociétés communistes sont obligées d'importer en grande partie leur technologie des pays capitalistes.

Considérant les quatre lois du développement de l'histoire selon Marx, elles apparaissent clairement comme le résultat d'analyses simplificatrices grossières. Par exemple, s'il est vrai que de grandes découvertes scientifiques ou des innovations techniques ont des répercussions sociales, il est tout à fait abusif d'en déduire que les forces productives déterminent les rapports de production. Les forces productives de l'Allemagne nazie étaient aussi développées que celles de l'Angleterre ; pourtant, ces sociétés n'étaient pas comparables.

Le but ultime de ces différentes « lois » était de présenter la lutte des classes (fruit de la contradiction entre les forces productives et les rapports de production) comme un phénomène objectif, matériel, naturel. Ainsi la lutte des classes devient-elle le moteur de l'histoire, le seul moyen effectif d'améliorer les conditions sociales et de rétablir la justice.

 

A propos de la théorie de la plus-value marxiste

 

Les machines et la production de valeur

La théorie de la plus-value est fondée sur l'affirmation que le profit est produit durant le processus de production et qu'il est dû au seul travail des ouvriers.

Cela implique tout d'abord que les machines ne produisent pas de valeur. Aussi Marx avança que la valeur fournie par les machines aux marchandises est égale à la valeur perdue par la dépréciation quotidienne de ces machines, ce qui revient à dire que les machines ne font que transmettre de la valeur mais ne produisent pas.

Cela est faux car ce qui est en jeu dans la dépréciation d'une machine c'est sa valeur d'échange et non son fonctionnement. L'utilité d'une machine ne diminue pas en proportion directe avec la baisse de sa valeur d'échange et la valeur produite par son fonctionnement est bien plus grande que la valeur perdue du fait de sa dépréciation. Le but et la cause de l'invention d'une machine est la recherche d'un certain profit. Une machine n'est pas simplement une masse de métal, mais l'inventeur lui transmet un pouvoir technique créateur aussi peut-elle être une source de profit tout comme la force de travail. Cela est évident pour n'importe quel entrepreneur. Or la théorie de la plus-value s'effondre si l'on reconnaît que les machines produisent de la valeur et sont une source de profit au même titre que le travail des ouvriers.

 

CONCLUSION

 

Marx nous explique dans sa onzième Thèse sur Feuerbach que « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde, il s’agit maintenant de le transformer ».

Cette déclaration ainsi que l’idée développée par les marxistes que tout philosophe est partisan, engagé dans la lutte des classes, est à double-tranchant. En effet, avant de vouloir transformer le monde, il est bien nécessaire de le comprendre objectivement. Or, il ne faut pas chercher dans l'idéologie marxiste une recherche objective de la vérité et Marx le reconnaît lui-même en expliquant que les philosophes et penseurs sont engagés dans la lutte de classe et que leur pensée est forcément partisane, défendant soit la classe opprimante (philosophes idéalistes), soit la classe exploitée (philosophes matérialistes). Pour les marxistes l s’agit avant tout de mettre aux mains du prolétariat et de ses dirigeants une philosophie engagée, une arme idéologique qui les aidera à triompher dans la lutte des classes et non une philosophie qui aide l’homme à découvrir la vérité sur lui-même ou la société ou l’histoire.

Une telle approche, si elle est valable pour mener une lutte politique contre des adversaires ou pour prendre le pouvoir, ne peut certainement pas prétendre en même temps correspondre à une recherche objective de la vérité en soi. On peut répondre à cela que les philosophes ont dit chercher la vérité tout en étant affectés par leur situation sociale, familiale, les préjugés d’une époque ou d’une culture. C’est vrai mais au moins, ils ont essayé de se dépasser autant que possible ces conditionnements sans remettre en cause l’existence d’une telle vérité.

Avec Marx, on assiste à la remise en question de l’idée même d’une vérité absolue, de valeurs absolues critiquées comme fruit de l’idéalisme bourgeois, il en résulte une idéologie qui n’est qu’un instrument au service de causes révolutionnaires aux objectifs limités dans le temps, ce qui crée un fossé entre la prise du pouvoir au moyen de cette idéologie et l’exercice du pouvoir par cette idéologie.

 

 

 

3)     Tout est relatif ?

 

a)     Théorie de la relativité à la terrasse d’un café

 

Le relativisme qui domine notre époque a aussi servi d’angle d’attaque contre l’affirmation traditionnelle de valeurs absolues.

Depuis Montaigne écrivant dans ses Essais «  Quelle vérité est ce que ces montaignes bornent, mensonge au monde qui se tient France ? », repris par Pascal avec son « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà » (critiquant en fait le relativisme supposé de Montaigne), il est plutôt chic de prétendre que les notions de vrai et faux comme celles de bien et mal ou beau et laid sont relatives.

Cette relativité est souvent citée pour justifier un certain scepticisme concernant l’existence de valeurs absolues et en conséquence d’un Dieu transcendant, garant et source de ces valeurs absolues.

 

Poussant la logique de ce relativisme, Fédor Dostoïevski écrivait dans les Frères Karamazov par l’intermédiaire d’Ivan, le frère aîné de la fratrie Karamazov « Si Dieu n’existe pas, tout est permis », formule reprise par JP Sartre pour développer sa philosophie de l’existentialisme athée.

Cependant, pour faire des jugements moraux, ce dont Sartre ne se privait pas, traitant entre autres les bourgeois anticommunistes de « salauds » ou pour définir le camp du bien et celui du mal dans les conflits de son temps marqués par la guerre froide et la guerre d’Algérie, ce qui est resté une spécialité chez les intellectuels de gauche aux indignations en général sélectives, il est nécessaire d’avoir un standard, une vérité objective définissant le bien et le mal. Une telle norme existe-t-elle ?

Tout d’abord, on peut remarquer que dire qu’il n’existe pas de vérité absolue, que tout est relatif est une déclaration auto-contradictoire qui se détruit elle-même. En effet, l’affirmation « il n’existe pas de vérité absolue » se veut être une vérité indépendante des circonstances, du temps et du lieu, en d’autres termes une vérité absolue et donc ne peut être vraie selon ses propres termes. On retrouve le problème antique posé par l’affirmation du Crétois disant que tous les Crétois sont des menteurs.

On peut dire comme Montaigne que les notions de vrai et de faux ou de bien et de mal dépendent des cultures ou périodes où elles s’expriment, qu’il s’agit toujours d’efforts, de tentatives humaines limitées de définir le bien et le mal mais cela n’implique aucunement la négation d’une vérité ou d’un bien absolu au-delà de conditions culturelles particulières.

 

L’histoire des sciences représente une bonne analogie. Au cours des siècles, la connaissance de l’univers n’a cessé d’évoluer en s’améliorant avec d’apparentes contradictions. Cela correspond à un progrès vers la vérité sur la nature de l’univers et non à l’inexistence de cette vérité. Newton disait qu’il avait pu faire avancer la science de façon si spectaculaire « parce qu’il s’était hissé sur les épaules de géants », se référant humblement à ses prédécesseurs, Galilée, Copernic et autres, montrant combien il leur était redevable et non qu’il avait forgé sa physique tout seul en étant isolé du mouvement scientifique.

 

Dans les cafés parisiens du siècle dernier (et peut-être encore aujourd’hui), il était de bon temps de prendre un air distingué pour déclarer en sirotant une boisson que tout est relatif, ce qui donnait l’impression que l’on avait lu les théories d’Einstein sur la relativité. Or, tout n’était pas relatif pour Einstein : entre autres ce grand scientifique n’a pu développer ses théories qu’en s’appuyant sur les travaux de Michelson et Morley qui avaient mesuré la vitesse de la lumière et remarqué qu’elle était la même dans toutes les directions de l’univers. C’est parce qu’il affirmait que cette vitesse était une constante absolue, quelque soit le repère spatial utilisé, qu’Einstein a pu relativiser les autres vitesses, le temps et l’espace. Logiquement, on ne peut relativiser qu’à partir d’un absolu et non le contraire. De plus Einstein croyait en Dieu. Cette croyance quelque peu déformée l’a amené à rejeter les progrès des physiciens de la physique quantique avec comme argument que « Dieu ne jouait pas aux dés ». Après tout qu’en savait-il ? Si l’homme aime à jouer et s’il a été créé à l’image de Dieu, pourquoi Dieu n’aimerait-il pas jouer.

 

Ainsi un philosophe comme Hegel, en bon fils de pasteur et formé lui-même à la théologie, a pu développer un système relativement cohérent en partant d’un absolu, l’Esprit absolu, qui, par une série de contradictions et d’aliénations dans la réalité spatio-temporelle, arrive par étape au but de l’histoire, représenté paraît-il pour Hegel par l’Etat prussien de son temps, ce qui paraît aujourd’hui plutôt ridicule. Mais l’idée de partir de l’Esprit absolu pour arriver à la pleine manifestation de cet Esprit dans le temps et l’espace était assez intelligente.

Marx a voulu reprendre le système Hégélien en le renversant, partant de la matière pour aller vers l’esprit, du relatif pour aller vers l’idéal absolu de la société sans classe et sans exploitation, mais cela pose un problème, comment le conflit va finir par engendrer la paix, le relatif l’absolu, ce qui donne à ses théories un sentiment que l’on n’est pas véritablement sorti de l’auberge des conflits et de l’aliénation et que l’on n’en sortira peut-être pas.

 

Pour revenir au plan moral, les hommes et les femmes de toutes cultures font sans cesse appel à des notions de bien et de mal. Dans des cas précis, les personnes qui subissent un mal donné ont une idée plus claire sur la réalité de ce mal que celles qui sont épargnées ou qui le font subir. Ainsi des femmes qui ont subi un viol ne l’excuseront pas facilement en disant qu’il s’agissait seulement de jeunes qui avaient besoin de défouler leur instinct sexuel après avoir pris quelques verres de trop. De même au cours des dernières décennies, nous avons eu en France des écrivains pédophiles essayant de justifier leur dépravation au nom de l’amour qu’ils sont supposés porter aux enfants ou des prêtres excusant trop facilement ce genre de déviations mais les personnes qui ont subi ce genre d’abus et qui en subissent les conséquences pendant des décennies, peuvent témoigner que cela est mauvais. Personne ne trouve normal de torturer des enfants. On trouve dans l’histoire des Gilles de Rais qui ont torturé des enfants mais Gilles de Rais lui-même a reconnu l’ignominie de ses actes avant de subir la peine de mort.

L’esclavage a joué un grand rôle dans l’histoire. Ainsi de très nombreux noirs d’Afrique centrale ont été au fil des siècles capturés puis conduits à travers des déserts jusqu’en Arabie et les pays du Golfe, les jeunes hommes étant très souvent émasculés pour servir leurs maîtres en tant qu’eunuques.

Cela paraissait normal aux yeux de leurs maîtres et de la société d’alors mais ces jeunes gens devaient se dire que ces organes sexuels que Dieu ne leur avait pas donné ces organes sexuels simplement pour les faire arracher au péril de leur vie par un trafiquant d’esclaves.

 

On pourrait multiplier ce genre d’exemples dans toutes les sociétés et on doit conclure que les notions de bien et de mal même si elles ne sont pas clairement définies dans une société, correspondent à quelque chose de profondément inscrit dans la nature humaine. Tout ce qui viole cette nature, empêche son épanouissement au niveau individuel, familial ou social peut être qualifié de mal.

 

L’universalité de ces notions de vrai et de bien renvoie à une nature universelle et un auteur universel de cette nature originelle, c’est la vérité ou le bien suprême pour Platon et la nature de Dieu dans la tradition judéo-chrétienne.

 

Finalement, le fait de proclamer son relativisme à la terrasse d’un café est-il peut-être seulement le signe d’un manque de réflexion approfondie.

 

 

 

b)    Relativisme culturel et relativisme des valeurs

 

L’idée mise en avant au sein de l’Unesco que toutes les cultures se valent, idée qui avait pour but de tourner la page à la période colonialiste et d’aider à découvrir la beauté de chaque culture, a eu comme effet négatif d’amplifier le relativisme de notre époque, les systèmes de valeurs n’étant que le reflet de cultures particulières qui sont toutes aussi défendables les unes que les autres.

Cette idée, bien que motivée par de bonnes intentions, ne doit pas s’opposer à l’universalisme défendue simultanément  par ces institutions internationales. Les points de friction entre universalisme et égale dignité de toutes les cultures, est soulignée dans les articles qui suivent, l’un à partir d’une déclaration du pape François, l’autre soulignant les limites du mouvement « antiraciste ».

 

 

Pape François : « Il faut laisser de côté la logique de croire qu'existent des cultures supérieures ou inférieures »

 

 

Lors de son voyage au Chili, le pape François, s’adressant au peuple Mapuche, a déclaré «Il faut laisser de côté la logique de croire qu'existent des cultures supérieures ou inférieures».

 

Le peuple Mapuche, population indigène d’une région en partie au Chili, en partie en Argentine, a eu à souffrir dans son histoire de l’oppression des Incas puis des Espagnols, puis des Chiliens et des Argentins. Aussi, vu le contexte politique et historique, on ne va pas reprocher au pape de défendre un certain relativisme culturel s’adressant à une population qui a subit l’arrogance de divers oppresseurs.

 

Mais quand on y réfléchit un peu, si le pape s’était trouvé mal ou avait eu un accident lors de son voyage, il aurait fait appel à un médecin formé suivant la méthode expérimentale et rationnelle qui a marqué la médecine et la culture occidentale surtout à partir de la période de la Renaissance plutôt qu’à un chaman Mapuche aux méthodes plus hasardeuses.

 

Cette déclaration du pape qui va avec d’autres sur les droits très larges qu’il convient selon lui d’accorder aux migrants légaux ou illégaux, supposés être dans tous les cas des « sources d’enrichissement » pour nos pays, amène à se demander s’il ne sous-estime pas l’importance des facteurs culturels dans le développement des pays.

 

Si l’on ne peut qu’être d’accord avec le pape pour condamner, une certaine arrogance culturelle ou un certain racisme, le rejet de certaines personnes ou groupes sur la base de leur couleur de peau ou appartenance raciale, les choses ne sont pas si simples lorsque l’on considère les confrontations entre cultures et les systèmes de valeurs qui sont à la base de ces cultures.

 

En effet, bien des jugements de valeur que nous faisons au quotidien reflètent dans une certaine mesure la culture dont nous sommes issus. Un occidental trouvera que l’idée de lapider une femme adultère est barbare, ceci au moins depuis que Jésus a déclaré à un groupe de pharisiens  le questionnant sur la question du respect de la loi mosaïque « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ». Or la Charia entre autres indique que c’est le châtiment requis pour l’adultère commis par un homme ou une femme marié même si comme ailleurs, on peut faire des arrangements avec la loi. Comment peut-on condamner cela si l’on pense que toutes les cultures et donc les systèmes de valeurs, les conceptions religieuses qui sont à leur centre, se valent,

 

Contrairement à un cliché répandu, les empires Incas ou Aztèques ou autres étaient loin d’être le monde idéal du bon sauvage cher à Rousseau. Des temples du Mexique à ceux des Andes, on pratiquait des sacrifices humains pour dans certain cas aider le soleil qui avait besoin de sang pour continuer à briller ou apaiser les dieux en cas de catastrophes, sacrifices qui avaient horrifiés même des gens comme Cortez qui n’était pas un grand humaniste. Aujourd’hui, on trouverait éminemment barbare l’idée de sacrifier un homme en lui arrachant le cœur pour donner de l’énergie au soleil ou apaiser des dieux.

 

Cela rappelle un épisode de l’émission grand public « Rendez-vous en terre inconnue » qui se passait en Papouaise Occidentale, en Nouvelle Guinée chez une tribu dont les habitants vivaient au sommet de grands arbres. Le chef local très sympathique et chaleureux expliquait que son groupe avait abandonné relativement récemment le cannibalisme à l’égard des ennemis, disant avec un ton de regret que cela a été imposé par les missionnaires chrétiens. 

 

Bien sûr, il ne faut pas passer des jugements sur des valeurs transmises par une culture à des jugements individuels et surtout pas de là à une oppression ou un mépris des individus ce qui a été trop souvent le cas avec la réduction en esclavage des Indiens en Amérique latine suivi par un véritable génocide causé selon certains scientifiques plus par des microbes importés par les conquistadors contre lesquels les Indiens n’avaient pas de défenses immunitaires que par l’esclavage et les mauvais traitements mais les deux allant ensemble.

 

La réponse face au défi représenté par d’autres cultures étrangères est un dialogue honnête  et franc  basé sur l’affirmation de notre identité culturelle dans ce qu’elle a de meilleur et d’universel et la recherche des mêmes qualités chez les autres cultures. On pourrait citer entre autres en Occident l’affirmation que les hommes sont égaux en dignité dont découlent les droits de l’homme, l’égalité en dignité de l’homme et la femme, ce qui va avec une conception monogame de la famille défendue par le Christianisme depuis ses origines, la protection des faibles et des enfants.

 

Défendre ces valeurs n’est pas la même chose que présenter sa culture en exemple. On sait bien qu’il y a une grande distance entre par exemple, la monogamie affichée dans le mariage traditionnel et la réalité historique, entre le principe de la défense des enfants et la réalité sociale des violences subies au sein et en dehors de la cellule familiale et des musulmans reprochent souvent aux occidentaux la consommation intense de pornographie qui ne va pas de pair avec les affirmations sur la dignité de la femme.

 

Chaque culture a à apprendre des autres cultures. Ainsi la culture occidentale peut s’enrichir au contact des grandes cultures orientales et traditions confucianistes, bouddhistes et autres et on ne peut dire qu’une culture est parfaite ou supérieure aux autres mais dans certains domaines comme les droits des plus faibles, l’approche scientifique du monde, les valeurs démocratique etc.., nous devons admettre une certaine supériorité d’une culture sur une autre  et ne pas dire que tout se vaut car en faisant cela nous ne rendons un service ni aux autres cultures ni à la nôtre et ne faisons qu’augmenter la confusion.

 

Nous progresserons vers une culture universelle en cherchant ce qu’il y a de meilleur en chaque culture et non le plus petit dénominateur commun entre les cultures.

 

 

 

Racisme, valeurs et cultures

 

Le débat sur le racisme est fondamentalement faussé en France par la confusion faite entre race et culture.

Depuis des décennies et notamment l'apparition de SOS racisme dans les années 80 et l’affirmation répétée à cette époque à l’UNESCO que toutes les cultures se valent, le débat sur le racisme est fondamentalement faussé par la confusion presque systématiquement faite entre race et culture.

Si il y un consensus pour condamner le racisme, le rejet de certaines personnes ou groupes sur la base de leur couleur de peau ou appartenance raciale, les choses ne sont pas si simples lorsque l’on considère les confrontations entre cultures, systèmes de valeurs.

Par définition, si on adopte un système de valeurs c'est qu'on n'est pas d'accord avec un autre : on ne peut à la fois défendre l’égalité de l’homme et de la femme devant la loi, défendre le respect de la femme et considérer que le témoignage d’une femme vaut en justice la moitié de celui d’un homme selon la Charia.

 

Les attaques de groupe contre des femmes allemandes lors du réveillon du Nouvel an à Cologne nous rappellent que la défense du respect de la femme n’est pas perçue de la même façon dans toutes les cultures. Pour beaucoup de migrants des pays arabes, ces femmes qui vont seules célébrer la St Sylvestre devant la cathédrale sont forcément des femmes faciles.

 

Cette importance des cultures qui ont à leur centre un aspect religieux, une vision de l’homme, des relations entre hommes et du bien et du mal montre que le simple rappel de la « laïcité à la française » n’est pas une réponse appropriée pour gérer les conflits interculturels. La laïcité est un principe de distinction entre le politique et le religieux remontant à une phrase célèbre de Jésus sur l’impôt « rends à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » mais n’est pas en elle-même une culture source d’un système de valeurs.

 

 C’est pour cela que la réponse face au défi représenté par certaines cultures étrangères est un dialogue basé sur l’affirmation de notre identité culturelle dans ce qu’elle a de meilleur et d’universel. Il s’agit notamment de l’affirmation que les hommes sont égaux en dignité dont découlent les droits de l’homme, l’égalité en dignité de l’homme et la femme, ce qui va avec une conception monogame de la famille défendue par le Christianisme depuis ses origines (et non par le Judaïsme qui l’a reconnu beaucoup plus tardivement dans son histoire), le respect des enfants au sein de la famille (le Christianisme a mis fin au pouvoir illimité du Pater familias détenant la patria potestas sur ses enfants) et bien sûr la défense de la liberté de conscience (liberté religieuse), de parole ou d’expression et d’action (liberté d’entreprendre entre autres) dans le cadre de la loi.

 

Défendre ces valeurs n’est pas équivalent à se présenter en exemples ou en modèles. Tout le monde sait bien qu’il y a une grande distance entre par exemple la monogamie affichée dans le mariage traditionnel et la réalité historique, entre le principe de la défense des enfants et la réalité sociale des violences subies au sein des familles allant jusqu’à l’inceste. Il ne s’agit pas bien sûr de dire que nous sommes meilleurs que les autres mais d’être clair sur les valeurs et objectifs défendus par la société.

En confondant races et cultures, les organisations soi-disant antiracistes ont empêché ce dialogue dans l’honnêteté et la franchise de se développer. Les conséquences ont été très négatives à la fois pour l’intégration des enfants de l’immigration comme pour la conscience de leur identité des Français d'origine.

 

 

 

 

4)     Le politiquement correct

 

L’expression « politiquement correct » a pris naissance sur les campus américains il y a quelques décennies et a été magistralement étudiée par le professeur de philosophie Allan Bloom dans son ouvrage « The closing of the American Mind ».

Les deux articles qui suivent montrent comment cette approche a contribué au relativisme général effectuant, sous des aspects sympathiques féministes ou antiracistes, un travail de sape profond à l’égard du Christianisme

 

 

 

Le politiquement correct, un appauvrissement de la pensée

 

Le problème avec le politiquement correct n’est pas qu’il soit de gauche ou de droite mais qu’il s’agit d’une forme de pensée véhiculée par les médias qui refuse la complexité du monde. Qu’il s’agisse de racisme, de féminisme, de mariage homosexuel, de différences culturelles ou religieuses, les réponses qu’il apporte sont toujours simples ou plutôt simplistes, données sous forme d’injonctions d’une pseudo-morale qui vous dit « ce n’est pas bien d’être sexiste, homophobe, islamophobe, raciste » sans se donner la peine de bien définir ces expressions. Il faut donc être antiraciste, pour le mariage pour tous, généreux, tolérant, écolo, au moins en paroles, gentils et tout ira mieux, nous irons vers un monde meilleur sans qu’il soit nécessaire de pousser la réflexion plus loin.

 

Il y a quelques années. Olivier Faure, député de Seine-et-Marne, m’avait invité ainsi que divers représentants d’associations, à une réunion où nous étions censés débattre de la question du mariage homosexuel. C’était avant le vote de la loi Taubira qui devait ouvrir une nouvelle ère, rien moins qu’un « changement de civilisation » selon la garde des sceaux. La discussion commença par un discours bien policé montrant qu’il s’agissait de donner les mêmes droits à tous, homos comme hétéros et de poursuivre avec le PS la marche vers le progrès, vers plus de liberté, de nouveaux droits pour l’humanité et de quitter un passé dominé par l’intolérance et les préjugés religieux ou autres.

 

Le député était soutenu par quelques jeunes femmes qui regardaient avec des yeux admiratifs l’étoile montante du PS, buvant chacune de ses paroles et critiquant les personnes qui s’y opposaient comme des réactionnaires bornés ou des opposants à la laïcité de l’Etat (plusieurs associations chrétiennes étaient représentées). Faure s’efforçait de garder une posture relativement modérée mais il devint rapidement clair que le débat se limiterait à opposer le camp du bien, de la tolérance et la liberté au camp de la réaction et du retour en arrière. Dans cette ambiance, la question de l’absence du père biologique dans un couple de lesbiennes en cas de mariage avec PMA, de la souffrance que pouvait engendrer chez l’enfant cet absence d’un père relégué au rôle de fournisseur de sperme, même si cette souffrance est bien documentée en Italie et à l’étranger dans le cas d’enfants nés sous X ou de père inconnu, passait rapidement à la trappe. La discussion était sans cesse ramenée à un affrontement de positions pour ou contre la liberté et l’égalité pour tous sans trop creuser ce que l’on entendait par là, en particulier pour les enfants.

 

On peut en dire autant de tous les thèmes chéris de politiquement correct. Ainsi, l’antiracisme lancé il y a déjà longtemps lors d’une habile opération politique de F. Mitterrand en perte de popularité aidé de quelques « intellectuels » médiatiques à l’origine du mouvement SOS racisme, se résumait à faire un amalgame entre les inquiétudes justifiées d’habitants modestes de quartiers où la proportion d’immigrés Nord Africains et Africains ne cessait d’augmenter, inquiétudes concernant la bonne intégration de ces nouveaux arrivés et le racisme. Si de plus ces habitants avaient le malheur de voter pour Jean-Marie Le Pen, on poussait un peu plus loin la charge en les accusant de vouloir un retour aux « heures les plus sombres de notre histoire », expression un peu passée de mode depuis. Cela avait l’avantage considérable de ressouder une gauche quelque peu démotivée et même de gagner une partie du centre face à un prétendu retour du fascisme.

 

Mais s’agit-il vraiment d’une opposition au racisme véritable ? Certains aspects permettent d’en douter. Ainsi, cet « antiracisme » a la particularité d’être à sens unique, il s’agit toujours de dénoncer le « mâle blanc » jamais le racisme anti-blanc dont pour simplifier on va simplement nier l’existence malgré les nombreux faits divers qui montrent sa réalité. On dénonce le commerce triangulaire mais on parle beaucoup moins de la traite des noirs par les arabes, un esclavage qui a duré bien plus longtemps et perdure encore dans certaines régions de l’Afrique. Cette traite était dans une certaine mesure encore plus cruelle que le commerce triangulaire, s’accompagnant de l’émasculation des jeunes gens après leur traversée du désert en Afrique du nord ou dans les pays du golfe. Mais il s’agit toujours de dénoncer la culture occidentale tout en étant bien plus tolérant à l’égard des fautes des autres cultures.

 

On retrouve cette même diabolisation des opposants et ce refus de discuter sur le fond dans les débats sur le féminisme ou l’Islam.

Ainsi, les revendications féministes présentent des femmes heureuses de travailler et dont le but est de réussir aussi bien professionnellement que les hommes. Or, de nombreuses études montrent un conflit entre le désir d’éduquer des enfants dans un foyer stable et la pression professionnelle exercée par la société. On a même vu des entreprises encourageant leurs cadres féminins à congeler leurs ovules en attendant une période où elles seraient moins actives professionnellement. Il y a aussi des réalités biologiques ; le fait de repousser toujours plus tard l’âge du premier accouchement en Occident et au Japon n’est pas selon de nombreux gynécologues favorable à des accouchements sans problèmes, nécessite de plus en plus des méthodes de lutte contre la stérilité et s’accompagne d’un déclin démographique.

 

Bien sûr, il ne s’agit pas de défendre comme le voudrait le politiquement correct, le machisme, les violences envers les femmes, les réflexions lourdes au bureau et ailleurs mais curieusement, on voit des contradictions dans l’approche féministe. Une première est la relative indifférence face aux défis soulevés par l’Islam avec les burkas, les mariages arrangés au pays, les droits limités des femmes par rapport aux hommes dans les pays musulmans même s’il y a des changements dans ce domaine y compris en Arabie Saoudite. Concernant la forte présence de populations d’origine étrangère rue de la Chapelle et le harcèlement des jeunes femmes dans cette rue, on a vu une militante féministe proposer simplement d’élargir les trottoirs, proposition qui n’aurait sans doute pas été la même s’il s’était agi de harcèlement sur les trottoirs d’une rue du 16ème arrondissement.

 

Une autre est une forme de passivité des organisations féministes face à un phénomène comme la pornographie qui véhicule, particulièrement auprès des adolescents, une image très négative de la femme, objet de jouissance sexuelle et destinée à assouvir tous les fantasmes. Ces associations féministes devraient joindre leurs efforts avec ceux d’associations souvent d’origine chrétienne qui luttent contre la pornographie et s’inspirent d’un pape comme Jean-Paul 2 qui proposait une véritable éducation sexuelle dans les écoles, une sexualité responsable en harmonie avec tous les aspects de la nature humaine et impliquant un engagement des personnes. Or, c’est loin d’être le cas.

 

Mais le politiquement correct ne se limite pas à ces débats sur le racisme, le féminisme ou l’Islam. On peut retrouver cette approche qui simplifie tout dans des sujets complexes comme les débats sur le réchauffement climatique ou sur les vaccins.

Dans tous les cas, on voit les mêmes procédés : ne pas discuter sur le fond, dans les détails mais opposer le plus vite possible un camp du bien, du progrès, de l’avenir à un camp du conservatisme, de la réaction, du passé, du mal.

Le philosophe américain Allan Bloom dans son livre au titre plus ou moins bien traduit en français par « L’Ame désarmée », livre qui reste une référence sur le politiquement correct dans les campus américains, avait bien défini la chose en parlant du « Closing of the American mind », la fermeture de l’esprit de ces jeunes étudiants, de leur capacité à tout questionner associée à leur ignorance des grands textes de la littérature classique remplacée par leur formatage par une culture de masse, une idéologie qui se cache sous des bons sentiments antiracistes, antisexistes et critiques de la culture occidentale en général.

 

Ces procédés ont un grand avantage en dehors de celui de servir les intérêts de certains lobbies, ils permettent de simplifier les choses. Or, les journalistes sont comme les autres hommes assez paresseux, c’est compliqué de s’informer à fond sur un sujet et encore plus compliqué de transmettre ces informations ou les vulgariser intelligemment auprès du grand public. C’est tellement plus simple d’avoir une grille de lecture bien/mal, progrès/réaction et parfois gauche/droite, cette dernière opposition tendant à perdre de sa force dans la période actuelle pour avoir été un peu trop usée dans le passé. De plus, les médias aiment les confrontations d’opinion supposées faire de l’audimat plutôt que des discussions constructives cherchant à rapprocher les points de vue.

 

Toutefois, quand une idéologie ignore certaines réalités, la réalité finit par se venger.

De même qu’a la fin de la période communiste, la langue de bois qui était d’une certaine manière un ancêtre du politiquement correct mais alliée à la force militaire et policière, perdait son pouvoir de séduction en Europe de l’Est devant les réalités des différences de niveau de vie entre les parties est et ouest de l’Europe et de l’Italie, les élections en Italie après l’Italie, la Hongrie et d’autres pays européens après le Brexit ont pris nos grands politologues par surprise. L’un de nos grands penseurs, BHL en personne, en défenseur du politiquement correct s’est trompé dans ses prévisions à la fois sur le Brexit et l’élection de Trump devenant quelqu’un de relativement fiable pour ceux qui prennent le contrepied de ses analyses et ses prévisions.

 

Bien sûr, il ne s’agit pas ici de prendre partie pour ou contre Trump ou pour ou contre les nouveaux dirigeants à l’Est de l’Europe et en Italie mais simplement de voir dans ces changements le refus d’un monde policé qui ne tient pas compte des souffrances de larges parties de la population, aux USA avec le basculement vers Trump du vote des blue collar workers dans des Etats traditionnellement démocrates et en Europe avec le sentiment largement partagé d’une menace sur l’identité nationale de différents pays.

Les migrants selon le discours dominant étaient supposés être aussi bien ou mieux éduqués que les populations qui les recevaient, être automatiquement une source de richesses pour le pays accueillant et ne poser pratiquement pas de problème d’intégration. Au début, ces migrants étaient supposés en grande majorité s’échapper des prisons et des camps en Syrie, puis il est devenu clair que cette grande majorité venait plutôt de régions comme l’Albanie ou l’Afrique sub-saharienne et que la raison de leur déplacement était avant tout économique et non une fuite devant l’oppression politique. Tous ces discours et affirmations finissent par éclater confrontés à la réalité qui se révèle plus complexe que prévue.

 

Un écrivain chrétien, Jean-Claude Guillebaud, défendant la position du pape François sur les migrants, déclarait au micro de RCF que l’on était revenu actuellement d’une certaine naïveté concernant les migrants mais qu’il valait mieux être d’abord généreux et accueillant quitte à apprendre la prudence par la suite mais le bon sens nous apprend dans la vie courante qu’il vaut mieux exercer la prudence dès le début, sans attendre que les faits remettent en cause notre naïveté, avant de faire des erreurs aux conséquences lourdes, ce qui n’empêche pas d’être charitable.

 

Bien sûr, un Chrétien a la foi que la vérité finira par triompher sur l’erreur mais cela ne veut pas dire qu’il faille rester passif entre temps : que de souffrances, de gâchis pourraient être évitées si les mensonges étaient rapidement dénoncés évitant ainsi à des populations entières se fassent mener en bateau pendant de longues périodes comme cela a été le cas avec la période communiste, Soljenitsyne dénonçant le pouvoir conjoint de « la violence et du mensonge » pour asservir des populations.

 

 

Fake news ou point de vue déformé par le politiquement correct, lequel est le plus grave ?

 

Le culte du dialogue, de l'échange superficiel ainsi qu'une tendance à vouloir materner ou déresponsabiliser les "jeunes" imprègnent fortement nos médias empêchant de regarder le mal en face et déformant notre compréhension de la réalité.

Texte

Samedi soir, avant de passer aux choses sérieuses, la rediffusion d’un épisode de Zorro sur la 3, j’ai pensé en attendant 20h30 me distraire un peu en regardant les infos sur tf1.

Effectivement, pour de la distraction, j’en ai eu : Anne-Claire Coudray, la présentatrice, nous annonce un reportage « en immersion avec les policiers » dans un « quartier sensible » de Lille nous dit-elle (les guillemets sont souvent nécessaires pour ce genre de reportage où l’on se refuse de nommer vraiment les faits).

 

Le journaliste Henri Dreyfus chargé du reportage dans ces territoires lointains va nous montrer comment on peut améliorer les relations entre ces « jeunes » et les forces de l’ordre « pour ne pas en arriver à ces extrémités » comme le passage à tabac de policiers à Champigny. Enfin, on a un début de solution.

Les "jeunes" choisis ce soir sont des "guetteurs", profession consistant à annoncer l'approche de la police aux trafiquants de drogue. Le journaliste nous les présente comme s'il s'agissait d'une activité aussi honorable que boulanger ou boucher. Aucun jugement, on en retirera l’idée que l’on n’arrête pas de créer de nouveaux métiers pour lutter contre le chômage, particulièrement dans ces « cités ».

 

Un policier nous dit qu’il connait très bien « Monsieur F. et Monsieur B ». « Des fois, c’est tendu » nous dit-il mais des échanges quotidiens permettent de désamorcer les tensions. Les jeunes nous disent que quand la police leur parle plus poliment, tout va mieux (et sans doute aussi leur trafic). « S’ils sont corrects avec nous, alors on est correct avec eux » nous dit l’un des guetteurs qui n’a pas l’air du tout de vouloir changer de métier. On se respecte et le téléspectateur pensera ou est supposé penser « à chacun son boulot ». Bien sûr « à la tombée du jour » (on s’exprime de façon presque poétique) « le trafic de drogue s’intensifie » et la situation peut dégénérer à tout moment. .

 

Pour finir ce bref reportage, le journaliste interviewe deux « jeunes » à propos du passage à tabac d’une policière et son collègue à Champigny. L’un des interviewé trouve que ce n'est pas bien de tabasser une femme au sol mais pour l'autre « à mon avis, s'ils ont fait cela, c’est qu’il y a des raisons », sans doute les policiers les ont dérangés dans leurs paisibles occupations quotidiennes. Bon, malgré le calme apparent, cela risque de dégénérer à tout moment nous prévient-on et les bonnes manières et le dialogue ne semblent pas suffire à régler tous les problèmes.

 

Le plus grave dans ce reportage est ce qu’il sous-tend, un relativisme général, le refus d’analyser les conflits sérieux entre ceux qui refusent la loi et ceux qui veulent la faire respecter, la volonté de tout ramener à une question de dialogue, de savoir communiquer avec les « jeunes » qui pour certains ne sont plus trop jeunes. Cela va bien avec le psychologisme ambiant : les problèmes peuvent être résolus par une bonne communication, les jeunes sont au fond gentils et il n’y a pas de mal en soi, ceci associé à une volonté de materner ces « jeunes » qui, à mon avis, ne doit pas être spécialement appréciée dans les cités.

 

La présentatrice va nous parler de façon tragique d’une tempête de neige sur le Nord-Est des USA (ce qui arrive à peu près tous les ans), d’incendies en Californie (ce qui arrive aussi à peu près tous les ans) mais sur un ton léger de la situation de tous ces « jeunes » qui rejettent d’une façon générale la loi en France, sauf quand ils tapent sur une femme, ce qui est très mal. On en vient à penser que passer à tabac un policier homme passerait beaucoup mieux vu le féminisme ambiant.

 

Cette incapacité ou sérieuse difficulté à intégrer, cela parfois sur plusieurs générations des immigrés et leurs descendants devrait faire réfléchir quand on parle des migrants actuels, mais là aussi, on joue sur le compassionnel pour éviter toute réflexion sur leur intégration future, on les présente traversant frigorifiés le col de Larche dans les Alpes, en accompagnant le reportage d’un éloge vibrant pour les « humanitaires » qui vont leur faciliter le passage du col et l’accueil dans cette terre de France (bien sûr, il est hors de question de les ramener bien au chaud en Italie).

 

Heureusement pour le moral qu’il nous reste Zorro : là pas de relativisme, de la Vega sait bien que pour aider les péones contre le commandant Monastério ou pire encore, conte « l’Aigle » et son organisation, il ne suffit pas d’utiliser les bonnes formes de politesse et les vouvoyer mais il faut se battre contre les méchants. Peut-être nos enfants en retiendront quelque chose. 

 

 

3ème partie : La réponse aux crises de notre époque, un Christianisme non dogmatique vécu au quotidien au niveau individuel, économique, social, national, international

 

Pour répondre aux défis de notre époque, le Christianisme doit reposer sur des bases métaphysiques solides mais aussi et peut-être surtout, apporter des réponses claires et simples aux questions de base comme le problème du mal, qu’est ce que le salut en apportant une conception du salut qui puisse donner une vision de l’avenir touchant les hommes bien au-delà des cercles de croyants.

 

1)     La Résurrection, jusqu’où ?

 

Certains peuvent se demander quelle est la signification de la résurrection de Jésus ; le langage entourant cet évènement pouvant paraître ésotérique.

En fait, le sens de la résurrection est simple, à travers elle, Jésus adresse un message clair aux autorités religieuses et laïques de son temps : « Vous avez voulu vous débarrasser de moi en m’accusant d’être un faux prophète, une personne faisant des miracles par le pouvoir du diable (de Belzebuth dans l’Evangile), quelqu’un mettant en danger l’ordre public et le respect de la torah et qui pourrait nous causer des ennuis avec les Romains, allant jusqu’à des tentatives de me tuer (ainsi on cherche à le précipiter d’une falaise à Nazareth) et finalement en me condamnant à mort par un jugement inique, et bien je suis toujours là, vous n’avez pas gagné, la mort, le mensonge et la violence n’auront pas le dernier mot, je suis vivant. »

 

On peut rapprocher ce message du noble discours de Socrate à ses disciples avant qu’il boive la ciguë, tel que le rapporte Platon dans son Apologie mais le message de Jésus a une autre force : il ne s’agit pas simplement de dire que l’idée de la justice ou du bien pour laquelle Socrate est prêt à mourir est éternelle, de montrer le détachement dont fait preuve le philosophe à l’égard de la mort refusant même les possibilités de fuite, le message de la résurrection de Jésus n’est pas un message stoïque, il nous dit qu’il est présent avec nous dans nos luttes et le sera jusqu’à la fin des temps.

 

Bien sûr on peut discuter sur la nature du corps du Christ ressuscité : s’agit-il d’un corps physique ? Si oui, comment fait-t-il pour traverser les murs, apparaître et disparaître soudainement (les pèlerins d’Emmaüs et autres évènements). De plus, Jésus n’a été vu et entendu que par ses disciples même si ceux-ci furent jusqu’à 500 en une fois selon Paul à le voir simultanément et certains avaient du mal à reconnaître immédiatement Jésus ressuscité jusqu’à ce que ce dernier effectue certains gestes (partage du pain, montrer ses plaies, préparer un repas) ou dise certaines paroles. L’historien juif Flavius Josèphe écrit dans son Histoire ancienne des juifs que Jésus « leur apparut le troisième jour » indiquant qu’il apparut aux disciples et pas aux autres juifs, indiquant qu’il ne s’agissait pas d’une présence physique ou matérielle.

 

Cela n’empêche que la réalité de cette résurrection comme évènement vécu par les premiers chrétiens, évènement qui a bouleversé leur vie et l’histoire du Christianisme, reste au centre de la foi chrétienne

C’est cet évènement de la résurrection vécu par les premiers chrétiens Jésus qui a permis à une bande de disciples apeurés, se réfugiant en divers endroits, de proclamer la bonne nouvelle, de faire face aux persécutions du Judaïsme et par la suite de celles bien plus sérieuses de l’Empire Romain pour arriver en quelques générations à gagner cet empire à leur cause.

 

Ce paradigme de la résurrection, du passage de la mort à la vie, de la mort spirituelle à la vie spirituelle, a dominé notre histoire occidentale et on le trouve repris à de multiples occasions : on peut citer Jeanne d’Arc, brûlée à Rouen, qui convoque son juge principal, l’évêque Cauchon, devant le tribunal de Dieu après sa mort et qui voit sa cause l’emporter moins d’une génération après sa mort et son procès remis en cause par l’institution ecclésiale qui l’avait jugée comme sorcière, relapse et hérétique.

Plus récemment, ce paradigme qui revient à dire que les forces du mal n’auront pas le dernier mot, était repris par le mouvement des droits civiques aux USA proclamant après l’assassinat de Martin Luther King que son rêve d’une Amérique libérée du racisme continuerait à avancer vers sa réalisation après sa mort.

On retrouve le thème de la résurrection personnelle repris à travers les grandes œuvres littéraires de l’occident : Crime et Châtiment et les Frères Karamazov de Dostoïevsky, Les Misérables de Victor Hugo, A tale of two cities de Charles Dickens ou le Comte de Monte Cristo de Dumas, ceci sans parler des peintures, œuvres musicales (symphonie Résurrection de G. Mahler) ou autres.

 

Mais une question demeure : pour Jésus, cette résurrection n’est pas simplement une victoire individuelle sur la mort même si tout commence par là, mais doit amener à un changement de la société, à hâter la venue du Royaume, d’un monde où la volonté de Dieu est faite « sur la terre comme au ciel », aussi il appelle ses disciples après sa résurrection à « faire de toutes les nations des disciples » (Matt. 28 :19), en d’autres termes la résurrection ne concerne pas seulement des individus mais aussi les institutions sociales, nationales et autres structures pour mettre fin à ce que les théologiens libéraux ont appelé les « structures de péché » comme l’esclavage et différentes formes d’exploitation et de non respect de la dignité humaine, indiquant par ces structures que le péché n’était pas simplement une affaire individuelle.

 

Au cours des siècles, le Christianisme, malgré toutes sortes de contradictions et de reculs, a répondu à cet appel en humanisant de différentes façons les sociétés dans lesquelles il s’implantait, mettant graduellement fin à l’esclavage et aux jeux du cirque dans l’Empire Romain, modifiant le droit romain et développant une synthèse entre ce droit et les aspirations chrétiennes, entre autres en mettant fin au droit de vie ou du mort du pater familias sur ses enfants, mettant fin aux sacrifices humains en Amérique latine chez les Incas et Aztèques et éliminant progressivement bien d’autres coutumes considérées comme païennes ce qui n’a pas empêché les chrétiens de commettre bien des crimes dans ces pays.

 

Toutefois, on ne peut faire preuve d’autosatisfaction concernant cette extension de la résurrection aux dimensions sociales, culturelles et autres. On est loin du compte même si certaines nations se déclarent chrétiennes ou donnent au Christianisme une place centrale dans leurs institutions. Ainsi, si l’on considère un grand pays comme les USA où le président prête serment sur la Bible lors de son intronisation, où chaque session du congrès commence par une prière donnée par le « chaplain » du congrès, où chaque billet de dollar porte la mention « In God we trust », où les témoins d’un procès prêtent serment sur la Bible etc.., ce pays témoigne clairement par son histoire (ses origines avec les pères pèlerins du Mayflower) et ses institutions d’une influence chrétienne considérable mais si on considère la longue période d’esclavage, certaines guerres ou aventures étrangères aux motivations douteuses et bien d’autres aspects de la société américaine, on aurait du mal à le qualifier en tant que nation de disciple du Christ. Bien sûr, on pourrait en dire autant de toutes les grandes puissances occidentales dans lesquelles le christianisme a laissé une forte empreinte y compris bien sûr les anciens Etats Pontificaux.

 

En d’autres termes, cette victoire de la résurrection de Jésus n’est toujours pas pleinement incarnée dans les structures et institutions de notre monde. Aussi l’horizon des chrétiens comme de tous les « hommes de bonne volonté » pour reprendre l’expression évangélique n’est pas simplement un horizon de résurrection individuelle mais de résurrection aux différents niveaux familial, social, national et mondial en considérant que la tâche est loin d’être achevée.

 

2)     La théodicée et la question du mal

 

La réalité du mal sous toutes ses formes a été un problème central analysé par ce que l’on appelle la théodicée, terme utilisé par Leibniz, depuis les premiers siècles du Christianisme. A la question comment un Dieu tout puissant et omniscient a-t-il peut-il accepter le mal on a apporté diverses réponses plus ou moins satisfaisantes de St Augustin à Leibniz et jusqu’à aujourd’hui. Mais peut-être que le problème a simplement été souvent mal posé en partant d’affirmations sur Dieu, comme son omniscience et sa toute puissance qui ne sont pas vraiment fondées sur les textes bibliques.

 

 

Le Crédo des catholiques et de nombreuses autres dénominations chrétiennes affirme dès le début que le Dieu créateur de l’univers est « tout puissant » et on enseigne au catéchisme qu’il est omniscient, omnipotent et omniprésent ce qui amène assez tôt les enfants à poser des questions quelque peu embarrassantes sur le mal à leur professeur de catéchisme, du genre comment un Dieu qui sait tout et peut tout a pu laisser le mal se développer. Ce dernier, pour clore les débats, a parfois une réponse assez simple, il s’agit d’un « mystère » dépassant leur compréhension qu’il s’agit d’approfondir lors de leur croissance dans la foi, réponse qui laisse un sentiment de frustration et d’insatisfaction chez les jeunes élèves.

 

La question du mal loin de se simplifier, est devenue plus compliquée au fil des siècles quand des théologiens de premier plan comme Thomas d’Aquin se sont efforcer de réaliser une synthèse entre la philosophie grecque, en particulier Aristote, et la théologie chrétienne et ainsi construire un merveilleux édifice intellectuel qui avait néanmoins certains points faibles. On pourrait parler aussi de Leibniz qui a fait une brillante contribution sur ce sujet utilisant le terme de théodicée, contribution qui lui a valu des moqueries de la part de Voltaire dans son Candide.

 

Pour Aristote, Dieu était la cause première, le premier moteur par qui tout était mu et qui ne pouvait être mu ou affecté par sa création.

Quand à Platon, son idée du bien absolu se situe complètement au-delà des vicissitudes de ce monde qui selon le mythe de la caverne, n’est qu’un monde d’apparence dans lequel les idées pures ne sont qu’imparfaitement reflétées.

 

Ces approches philosophiques nourriront l’idée de « l’impassibilité » de Dieu montrant selon Thomas d’Aquin la négation de toute dépendance ontologique de Dieu à notre égard et des conceptions compliquées comme l’idée que Jésus souffrait à la crucifixion dans sa chair mais pas dans sa divinité.

 

Mais ainsi on s’éloigne du Dieu biblique que Jésus dépeint clairement Dieu comme un père aimant qui cherche ses enfants perdus (l’enfant prodige, le bon pasteur) et qui souffre de leur éloignement et non un premier moteur impassible.

 

Il faudra attendre le 20ème siècle pour que des théologiens remettent en question ces idées.

 

Le plus complet d’entre eux, Jürgen Moltmann, professeur pendant plus de 40 ans à l’université de Tübingen, auteur de la théologie de l’espoir, explique clairement dans son livre « le Dieu crucifié » que dire que Dieu ne souffre pas signifie qu’il n’aime pas. Si Dieu n’est pas « leidensfähig » (capable de souffrance), explique t-il dans un langage simple, il n’est pas « liebensfähig » (capable d’amour) car l'amour s’accompagne du risque de la souffrance si il est rejeté.

 

En aimant l’homme, nous dit Moltmann, Dieu a pris le risque d’être rejeté par l’homme et donc de souffrir et c'est ce qui s'est passé dès l'origine avec l'histoire de la chute. D’une certaine façon, Dieu a limité sa toute puissance par la création de l’homme en tant partenaire libre et co-créateur.

 

Moltmann critique les théologiens du Moyen Age qui en voulant faire de brillants systèmes théologiques se sont selon lui éloignés du Dieu de la Bible.

 

Par ses conceptions qui permettent un retour aux sources, Moltmann, un ancien soldat de la Wehrmacht qui s’est intéressé au Christianisme et à la théologie parce qu’il avait du temps à perdre dans un camp de prisonniers de guerre en Angleterre, fait un retour aux sources, revenant à un Dieu riche en émotions, souffrance, colère, joie, tristesse et s’éloignant d’une conception de Dieu qui doit plus à Platon et Aristote qu’aux prophètes et à Jésus.

 

Ses vues sont partagées du côté catholique par le théologien et prêtre suisse, Maurice Zundel ou le moine allemand Anselme Grün.

 

En France le philosophe catholique Jacques Maritain avait déjà écrit que Dieu souffre plus que l’homme car étant plus sensible à la déchéance de l'homme par rapport à son idéal pour lui, il souffre avec lui et plus que lui. « Si les gens savaient que Dieu souffre avec nous et bien plus que nous, alors beaucoup de choses changeraient sur terre » écrit-il dans un texte sur l’innocence de Dieu après la deuxième guerre mondiale.

 

Dans les milieux chrétiens, en particulier charismatiques s’est répandue la compréhension d’un Dieu vulnérable en se basant entre autres sur la recommandation utilisée par Paul dans la lettre aux Ephésiens de « Ne pas attrister le Saint Esprit.. » (Eph. 4.30). .

 

Mais cette compréhension trouve toujours une certaine opposition chez des théologiens, ou membres du clergé, ainsi Hans Küng, le théologien catholique suisse, n’était pas sensible aux arguments de Moltmann en faveur d’un Dieu souffrant.

 

Plus traditionnellement, cette vue semble chez certains contredire l’idée de la toute puissance de Dieu et on réserve souvent chez les catholiques cette souffrance compassionnelle à Marie ou aux saints.

 

Pourtant, cette compréhension permet de répondre correctement aux questions des enfants du catéchisme car comme l’a montré Moltmann, elle permet de résoudre le dilemme de la Théodicée, « comment un Dieu tout puissant et tout amour peut-il accepter le mal et la souffrance de l’homme ? » par cette réponse profonde, « Dieu n’a pas voulu ni prévu le mal mais a seulement prévu sa possibilité comme l’indique l’avertissement à Adam et Eve cité dans la Genèse « si vous en mangez, vous mourrez ». Il est avec les hommes et souffre avec eux tout au long de l’histoire et ne les regarde pas à distance comme des objets d’expérimentation. »

 

Moltmann reprend une expression du pasteur Dietrich Boenhoffer exécuté par ordre personnel d’Hitler en 1945, « Ce n'est pas l'acte religieux qui fait le chrétien, mais sa participation à la souffrance de Dieu dans la vie du monde » (extrait de « Résistance et Soumission »). Il explique que Dieu « mitleidet », « souffre avec » l’homme sur terre.

 

Ainsi face à ceux qui argumentent que l’on ne peut croire en un Dieu aimant et tout puissant après la Shoah, sa réponse est que Dieu était avec les prisonniers des camps jusque dans les chambres à gaz, souffrait avec eux. Il retrouve dans cette approche les intuitions d’Etty Hillsum, la jeune juive hollandaise qui a découvert la présence et la beauté de Dieu dans le monde concentrationnaire.

 

Bien sûr, il faut choisir, on ne peut avoir à la fois un Dieu omnipotent, omniscient, connaissant tout du passé et du futur et en même temps tout amour.

Soit on a un Dieu tout puissant et pas tout amour ou un Dieu aimant, et à cause de cela vulnérable et donc pas tout puissant, qui a limité son pouvoir face à la liberté humaine et qui ne sait comment l’homme va réagir à son appel.  

 

On peut se demander si ces dogmes sur l’omnipotence et l’omniscience correspondent vraiment au Dieu révélé dans  la Bible.

 

Ainsi le Dieu de la Bible, lors de la création, « vit tout ce qu’il avait fait et voici : cela était très bon » (Genèse 1 :31). Si dès la création, il avait envisagé tous les malheurs à venir de l’humanité et eu la certitude de la venue de ces malheurs, il aurait peut-être hésité avant de qualifier cela de très bon.

 

Les Ecritures montrent un homme qui est souvent imprédictible pour Dieu, le déçoit. Dans le 1er livre de Samuel (1 Samuel 15-11), le prophète Samuel se mettant à la place de Dieu nous dit « je regrette d’avoir fait Saul roi », à la suite de la désobéissance du premier roi des juifs.

De même Dieu, par la bouche de Moïse avant sa mort, dit au peuple élu que si il (le peuple juif) fait le bien, il sera béni, s’il ne le fait pas, il rencontrera toutes sortes de malheurs. Comment dire plus clairement que tout n’est pas joué à l’avance, que tout n’est pas connu ou écrit à l’avance.

 

Par la bouche des prophètes, Isaïe et Osée en particulier, Dieu se compare à un amant délaissé par une femme infidèle, cela non plus ne correspond pas vraiment à une certaine idée de la toute puissance de Dieu.

 

Certains diront qu’il s’agit d’anthropomorphismes, d’une vision humaine de Dieu mais sur quoi se basent-ils pour critiquer ces textes ?

 

En effet, quelle est la source la plus fiable : des spéculations de théologiens cherchant à faire une brillante synthèse entre la foi des premiers chrétiens et les grands philosophes grecs ou les textes bibliques dans toute leur fraîcheur ?

 

Finalement, peut-être qu’une bonne théologie devrait répondre simplement aux questions des enfants.

 

 

 

3)     Pour une approche holistique de la notion de salut

 

L’idée de salut dans les différentes traditions religieuses est souvent restrictive, il s’agit d’un salut après la mort, salut sur le plan spirituel et non terrestre que l’on retrouve dans l’expression ancienne « il œuvre à son salut » ou alors d’un salut avant tout individuel, idée que l’on retrouve chez certains Chrétiens américains qui arrêtent les passants sur le trottoir d’une grande ville en leur demandant quelque peu abruptement s’ils sont sauvés ( « Are you saved ? ») négligeant quelque peu la dimension collective et sociale de l’être humain. Il peut aussi s’agir d’un salut purement terrestre et limité à cette vie comme dans le marxisme, salut qui a une dimension collective avec la libération du prolétariat mais qui ne se réalisera que dans un futur plus ou moins distant avec le grand soir et est limité à la vie sur terre. Dans les religions orientales comme le Bouddhisme, on trouve aussi une forme de salut terrestre avec le « satori », l’expérience de l’éveil, de la libération des illusions, de la dissolution de l’égo mais ce salut est largement limité à l’individu ne touchant qu’à la marge la société dont le moine à la recherche du nirvana s’est retiré. On retrouve la même tendance dans les différentes formes de psychologie moderne (« réalisation de soi », « pleine conscience ») qui jouent souvent le rôle des pseudo-religions de notre époque. Aussi, la recherche d’une vison holistique du salut englobant les différentes dimensions de l’être humain est plus nécessaire que jamais pour mieux répondre aux aspirations humaines sans les limiter dans un sens ou l’autre.

 

Le mot salut a eu et a toujours bien des sens, passant d’une formule de politesse voulant dire simplement « porte-toi bien » et que l’on trouve déjà dans la salutation des gladiateurs « Ave Caesar, ceux qui vont mourir te saluent (« ..morituri te saluant » ou te souhaitent de bien te porter)» à une notion éminemment religieuse que l’on trouve dans des expressions un peu désuètes comme « faire son salut » , « gagner son salut » .

 

On  peut préférer à la question des évangélistes américains (« Es-tu  sauvée ? ») l’attitude de Jeanne d’Arc  à l’égard du salut.  Questionnée par ses juges cherchant à la piéger et la mener au bûcher « Jehanne, penses-tu être en état de grâce ? » (équivalent de l’époque à être sauvée), la pucelle d’Orléans répondit intelligemment « Si j’y suis, Dieu m’y garde, si je n’y suis pas Dieu m’y mette ». Elle évitait ainsi la condamnation en tant que sorcière qui sait qu’elle est perdue et bonne pour l’enfer ou en cas de réponse opposée (je suis en état de grâce), celle d’hérétique qui s’affirme sauvée sans faire dépendre son salut de l’assentiment du clergé catholique représenté par un évêque, le représentant de l’inquisition en France et une série de docteurs en théologie de la Sorbonne. Malgré cette réponse remarquable, elle a eu droit à la fois aux accusations de sorcellerie et d’hérésie sans oublier celle de féminisme avant la lettre (elle s’habillait en homme pour commander ses troupes).

 

Chez les Juifs dans la Bible, le salut est avant tout un salut collectif, c’est Israël ou « le petit reste » d’Israël qui est sauvé, libéré de la domination des peuples barbares et idolâtres grâce à l’intervention de Yahvé. Le salut individuel passe après celui d’Israël, du grand jour  où Dieu libérera son peuple et où les peuples des nations monteront tous à Jérusalem pour adorer le vrai Dieu.

On retrouve cette dimension collective dans la prière universelle des Chrétiens, le Notre Père, dans laquelle Jésus avec des expressions comme « Que ton Royaume vienne ! Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » reprend l’aspiration transmise par les prophètes à la venue du Royaume de Dieu.

 

Cette aspiration collective est prioritaire par rapport à des désirs plus individuels comme l’indique la phrase des évangiles « Cherchez le Royaume et sa justice et tout le reste vous sera donné en surplus ! ».

Le message de Jésus se distinguait de celui des Zélotes qui voulaient d’abord libérer Israël de l’occupation romaine par la violence. Le Royaume commençait « dans les cœurs » et dans les évangiles, le salut commence par une conversion individuelle du cœur, une renaissance mais ensuite le disciple est appelé à annoncer la bonne nouvelle du Royaume et à hâter sa venue. D’autre part, le Royaume n’est pas réservé aux Juifs mais ouvert à tous les hommes de bonne volonté, ni à Israël seulement, les apôtres étant appelés à faire « de toutes les nations des disciples ».

 

Cette notion d’une forme de salut collectif dans la tradition judéo-chrétienne est reprise par les marxistes, le prolétariat remplaçant le peuple élu et le grand soir et la société sans classes, le jour terrible du Seigneur avec la venue d’un nouveau ciel et d’une nouvelle terre où il n’y aura plus de larmes. Marx étant lui-même juif a été influencé par une vision judéo-chrétienne de l’histoire en passant par Hegel et quelques autres même s’il pensait « remettre les pieds sur terre » la philosophie d’Hegel. Un peu comme chez les chrétiens et la Parousie, la venue du Grand Soir a été repoussée  au fil des déceptions engendrées par les différentes formes de communisme.

 

Mais le marxisme sous-estime l’importance de la dimension spirituelle de l’homme, de la culture comme source d’influence majeure informant les relations familiales et sociales et au contraire voit dans la culture une simple superstructure déterminée « en dernière instance » par les relations de production. Cette approche ne correspond pas à celle de la recherche en anthropologie ou archéologie comme le montrent les travaux de C. Lévi-Strauss ou ceux de J. Soustelle pour les cultures précolombiennes et a finalement été rejeté par de nombreux marxistes comme étant trop réductrice, notamment à partir de Gramsci, le fondateur du Parti Communiste Italien.

Il en résulte que la vision marxiste de la libération finale est trop limitée par son économisme réducteur et l’accent prioritaire mis sur les rapports de production. Finalement, cette vision a échoué et ce particulièrement dans le domaine où les marxistes pensaient être des spécialistes, l’économie.

 

Le protestantisme, particulièrement les branches issues de Jean Calvin, le grand réformateur français installé à Genève, qui au travers des Pères pèlerins ont grandement influencé la société américaine à ses origines, insiste sur l’importance de la vie terrestre en supprimant le mur entre le monde sacré et le monde profane, les moines et religieux d’une part et les laïcs les commerçants, artisans ou autres, sans qu’il y ait d’état privilégié pour recevoir le salut, refusant l’idée de quitter le monde pour faire son salut dans un monastère.

Il s’agit là d’un apport considérable qui a grandement contribué au développement économique et social de l’Europe du nord par rapport à l’Europe du sud (Espagne, Italie et dans une certaine mesure France) à partir de la Réforme et au développement du capitalisme aux Etats-Unis (voir le remarquable ouvrage du sociologue Max Weber « L’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme »).

Toutefois, l’insistance mise sur l’aspect individuel du salut par de nombreuses branches du protestantisme que l’on retrouve dans la question « Es-tu sauvé ?» des jeunes évangélistes, cette insistance une fois sécularisée a ouvert la porte à différentes formes d’individualisme qui ont marqué la société américaine puis plus ou moins tout l’occident et donne une vision limitée du salut ou de la libération de l’homme.

 

Le Catholicisme a mieux conservé d’une certaine manière la dimension collective du salut biblique avec la notion d’Eglise universelle (ekklesia en grec signifiant simplement l’assemblée du peuple puis des fidèles) et de la communion des saints reliant les vivants et les morts dans une même communion, mais il a donné à ce salut une dimension trop cléricale (cléricalisme honni par le pape François), le salut donné par l’Eglise passant par le respect de sacrements et l’importance donnée au clergé par rapport aux laïcs dans le domaine religieux même si cette importance a tendance à diminuer depuis Vatican 2  et cette conception du salut a négligé quelque peu les relations économiques et sociales tout en mettant avant tout l’accent sur diverses formes d’actions charitables.

 

On peut dire que si le marxisme a négligé la dimension spirituelle, religieuse de l’homme, le protestantisme a négligé sa dimension collective, sociale et le catholicisme sa dimension matérielle, terrestre.

 

Bien sûr, quand on traite rapidement un sujet si vaste, on est obligé de faire certaines simplifications et il s’agit plus d’ouvrir des pistes de réflexion que de donner des réponses.  Ainsi, on a vu de nombreux catholiques sociaux à partir en particulier du 19ème siècle qui ont œuvré pour des entreprises combinant l’éthique chrétienne et l’économie. Il y a eu aussi le développement de la doctrine sociale de l’église catholique qui voulait être une réponse aussi bien au libéralisme qu’au communisme. Chez les protestants, on peut parler entre autres de la philanthropie des grands patrons américains avec des exemples comme Bill Gates qui donne jusqu’à 90% de ses gains à sa fondation œuvrant en Afrique et de bien d’autres.

 

Il s’agit avant tout de dégager des tendances profondes et indiquer les dimensions que devrait inclure toute vision de la libération de l’homme ou du salut, dimensions individuelle et collective, spirituelle et matérielle, dimensions que l’on trouve quelque peu éclatées ou déséquilibrées dans les différentes formes de christianisme et de religions comme dans divers mouvements politiques.

 

4)     Le principe de Gamaliel, un appel antique au respect de la liberté religieuse

 

Le Christianisme peut être crédible dans le monde contemporain que s’il respecte les valeurs démocratiques de base comme le respect de la liberté de conscience. Ceci d’autant plus que l’histoire nous montre que la persécution des minorités religieuses cause souvent plus de tort au persécuteur qu’au persécuté.

 

On ne sait pas grand chose sur Gamaliel l’Ancien, grand docteur de la loi et enseignant pharisien du 1er siècle. L’historien Flavius Josèphe en parle et Le Nouveau Testament le mentionne à diverses reprises. Ainsi Paul dit qu’il a été « instruit aux pieds de Gamaliel dans la connaissance exacte de la loi de nos pères » (Actes 22-3).

Les Actes retracent comment Gamaliel « docteur de la loi estimé de tout le peuple » prit la parole lors d’une réunion du Sanhédrin dans laquelle les leaders du judaïsme hésitaient entre la persécution brutale vis-à-vis des chrétiens comme dans le cas de la lapidation d’Etienne et une certaine tolérance.

Dans son intervention devant le Sanhédrin, Gamaliel retrace l’émergence de divers groupes religieux ou politico-religieux au sein du judaïsme au cours du premier siècle qui avaient suscité pas mal de controverses à l’époque pour finir par perdre de leur influence ou disparaître d’eux mêmes et conclut par une invitation à cesser les persécutions contre les chrétiens : « Et maintenant je vous dis : Ne vous mêlez plus de ces hommes, et laissez-les ; car si ce dessein ou cette œuvre est des hommes, elle sera détruite ; mais si elle vient de Dieu, vous ne pourrez les détruire; ne courrez pas le risque d’avoir combattu contre Dieu. » (Actes 5 :33-42)

 

L’appel de Gamaliel reste comme un appel isolé à un certain respect de la liberté de conscience qui n’a pas été particulièrement suivi, ni par les Chrétiens ni par les Juifs comme l’indiquent les conflits entre les synagogues et les premiers groupes de chrétiens à travers l’empire romain retracés dans les Actes des Apôtres et les lettres de St Paul. De plus, assez rapidement, Chrétiens comme Juifs vont être confrontés à une menace d’une autre ampleur, celle de l’Empire romain. Environ 40 ans après la mort du Christ, Jérusalem et le Temple ont été rasés par les légions de l’empereur Titus en 70 après JC et le christianisme après avoir été opprimé pendant plus de 3 siècles est devenu progressivement à partir de Constantin la religion officielle de l’Empire romain.

 

La persécution de minorités religieuses indique souvent qu’une société n’a pas su relever le défi représenté par une nouvelle vision du monde et saisir un tournant à une période critique de son histoire qui lui aurait permis de mieux se développer, préférant rester figée dans sa vision du monde et ses valeurs traditionnelles.

 

Ainsi selon l’historien anglais Arnold Toynbee, les civilisations sont au cours de leur histoire confrontées à des défis critiques qu’elles relèvent en initiant des changements d’ordre religieux ou culturel ou rejettent en se figeant dans le passé. Pour relever le défi d’une époque, on trouve des petits groupes d’hommes, des « minorités créatrices » qui arrivent ou pas à gagner le soutien de la majorité d’une société en proposant une conception de la divinité plus universelle, ce qui va déterminer le futur de la civilisation. Le philosophe Henri Bergson dans « Les deux sources de la morale et de la religion » propose une idée semblable opposant les morales et religions qui correspondent à des codes de vivre ensemble au niveau d’une société ou d’une tribu aux morales et religions transcendantes qui font appel à des valeurs universelles.

 

Avant l’apparition du christianisme, Socrate proposait une avancée décisive sur les plans de la morale et de la philosophie par rapport aux sophistes comme l’indique un dialogue célèbre avec le sophiste Polos (Platon, Gorgias), dans lequel Socrate argumente que « Mieux vaut subir une injustice que la commettre » face à Polos qui prend le point de vue opposé. Socrate proposait une morale transcendant les limites de la cité, la morale étant en relation avant tout avec la conscience de chacun ou le célèbre démon de Socrate plutôt que vis-à-vis d’autrui et de la cité. On dirait aujourd’hui qu’il s’agit de pouvoir se regarder le matin en face dans un miroir. En agissant contre sa conscience, on perd son estime de soi-même, l’idée de la justice en soi alors que pour les sophistes, la morale personnelle doit avant tout correspondre à la loi de la Cité qui est pour ainsi dire idolâtrée permettant d’éviter une sanction.

La cité d’Athènes a préféré condamner à mort Socrate pour corruption de la jeunesse et impiété envers les dieux plutôt que suivre la nouvelle vision de l’homme qu’il proposait et les cités grecques après le siècle de Périclès sont entrées dans une période de déclin.

 

Au Moyen-âge, Philippe le Bel renforçant alors le pouvoir royal cru bon de mettre la main sur le trésor de l’ordre des Templiers, un ordre remarquablement organisé qui avait développé des talents divers en avance sur leur temps, en particulier dans le domaine de la finance. Il s’en suivit un procès avec usage de la torture, les dirigeants du Temple étant finalement condamnés au bucher. Seulement sur le bucher, Jacques de Molay, le grand maître de l’Ordre, nia la validité des accusations contre les Templiers et avant de mourir maudit le Roi et le pape Clément V.

L’académicien Maurice Druon dans son roman historique « les Rois Maudits » retrace avec beaucoup de talent cette période mais même si l’on peut mettre en cause certains faits de ce livre ou les témoignages relatant les dernières paroles du grand maître des Templiers, il n’en reste pas moins que le roi et le pape moururent effectivement dans les mois qui suivirent et que les trois fils de Philippe le Bel moururent dans les 12 années qui suivirent sans laisser de descendance mâle, mettant ainsi fin à la lignée des Capétiens directs.

 

Plus tard, les Anglais pensèrent qu’en se débarrassant avec l’aide du clergé catholique de Jeanne d’Arc, cette « sorcière » qui enflammait les troupes du roi de France, ils pourraient gagner la guerre. En fait la condamnation de Jeanne d’Arc après un procès inique mené par un évêque n’a pas donné pour eux les résultats escomptés, bien au contraire, et les anglais ont du quitter la France en dehors de Calais assez rapidement.

 

Après la conquête de Grenade en 1492, la reine d’Espagne, Isabelle la Catholique, se lança dans une politique de persécution religieuse à l’encontre des juifs, musulmans et protestants avec le soutien d’un inquisiteur, Torquemada. Cela donna lieu entre autres à la tenue d’autodafés (acte de foi), cérémonies publiques destinées à impressionner la population au cours desquelles des « hérétiques » étaient envoyés au bûcher. L’idée était de faire de l’Espagne un grand royaume unifié dans une même foi catholique autour de ses souverains Mais en figeant ainsi la société espagnole, particulièrement au siècle de Philippe 2, on a freiné son évolution culturelle ce qui a causé un certain déclin, un résultat étant que l’or amassé par les conquistadores en Amérique latine s’est retrouvé au fil des décennies entre les mains des marchands hollandais, londoniens et français, ces pays maîtrisant mieux que l’Espagne le commerce et l’industrie avec une culture encourageant les entrepreneurs et l’esprit d’entreprise.

 

Les guerres de religions furent sanglantes en France comme ailleurs et après bien des combats et le massacre des chefs protestants invités à Paris pour les noces d’Henri de Navarre, un roi très populaire, Henri 4, proposa la première loi défendant la liberté religieuse en Europe avec l’Edit de Nantes.

 

Son petit fils Louis 14 mal conseillé, décida de révoquer l'Edit de Nantes et lança une série de persécutions contre les protestants, particulièrement dans les Cévennes et le sud de la France. Suite à la Révocation, la fin du Règne du roi soleil s’est sérieusement assombri, à la fois sur les plans militaire, économique où l’on vit les limites du colbertisme et même culturel. Tous les fils et petits fils de Louis 14 meurent au cours de cette période, forçant à faire appel à un arrière petit fils âgé de 2 ans , le futur Louis 15 (le Grand Dauphin meurt le 14 avril 1711, sa belle-fille et son fils, Louis de France, duchesse et du duc de Bourgogne, meurent les 12 et 18 février. Le 8 mars suivant c'est le tour du duc de Bretagne, leur fils aîné et seul survit leur plus jeune fils, alors âgé de deux ans seulement qui deviendra le Roi Louis XV).

Par contre les huguenots, considérés par Louis 14 comme un problème pour le Royaume de France et qui, suite aux persécutions, ont dû fuir vers la Suisse, l’Allemagne, les USA et même en Afrique du Sud ont partout, après un temps d’adaptation difficile connu la prospérité et amené la prospérité dans les pays qui les accueillaient souvent les bras ouverts comme dans certaines régions d’Allemagne. Cet exil amena un développement considérable de Berlin et du Royaume de Prusse ainsi que d’autres puissances anglo-saxonnes.

De plus la persécution contre les protestants sera une arme dans la main des philosophes des lumières pour accuser l’église catholique d’intolérance et d’opposition à la liberté, ce qui a contribué à l’aspect violemment anticatholique de la Révolution, particulièrement de la période de la terreur et les persécutions contre le clergé..

 

L’historien protestant Pierre Chaunu disait qu’avec la révocation de l’Edit de Nantes, l’Etat s’était lancé dans une persécution sévère de la minorité protestante mais avec la Terreur le gouvernement révolutionnaire s’est attaqué carrément à la majorité catholique des Français ce qui a laissé des traces et divisions profondes dans l’histoire de France jusqu’à l’époque moderne et causé une certaine instabilité politique tout au long du 19 siècles entre différents régimes supposés représenté la réaction ou les continuateurs des grands ancêtres de la révolution.

 

En conclusion, on peut dire que le conseil de prudence et sagesse de Gamaliel reste toujours d’actualité et que l’on ne résout pas les problèmes d’une société en attaquant les minorités qui les dénoncent.

 

 

5)     Une présence au quotidien

 

« Croyez-vous en Dieu, Dieu existe-t-il ? Y-a-t-il une vie après la mort ? Qu’est ce que sont le bien et le mal ? » Ces grandes questions métaphysiques nous paraissent souvent éloignées de la vie quotidienne. L’important dans ce domaine comme dans tout autre est de poser les bonnes questions si l’on veut trouver de bonnes réponses, or ces questions sont souvent mal posées.

 

Ainsi on ne devrait pas dire « croyez-vous en Dieu ? » mais en quel Dieu ou idole croyez-vous. En effet, il y a un fossé entre le Dieu du sermon sur la montagne de Jésus et le Dieu des Jihadistes.

En effet parler de foi ou de croyance en Dieu sans approfondir la nature de ce Dieu ne dit pas grand chose. Ce langage pouvait être compréhensible dans une société culturellement catholique où la croyance ou foi s’identifiait à une foi catholique bien définie mais aujourd’hui, que veut dire ce croire, croire en quoi ? Peut-être que croire ou ne pas croire, là n’est pas la question.

Et que veut dire croire, adhérer à un crédo ? Au Credo catholique avec des notions comme la résurrection de la chair qui laissent la porte ouverte à toutes les interprétations, à « la sainte Eglise catholique », expression qui n’est plus trop comprise ou acceptée, s’agit-il de croire en mon curé, mon médecin, gourou, dirigeant politique, etc..

 

Les athées ont leurs dieux ou idoles, que ce soit la croyance au progrès de l’humanité, la croyance humaniste en la bonté fondamentale de l’être humain, croyance quelque peu secouée par deux guerres mondiales et autres déchaînements de violence ou celle en l’avancée des sciences contribuant au bonheur humain, la croyance à la matière comme source de toute réalité, matérialisme qui a sa version dialectique ou tout simplement la croyance à Tyché, la déesse de la chance ou du hasard, ou aux configurations astrologiques.

 

En fait, croyant, tout le monde l’est à sa façon : les uns croient avec le philosophe Michel Serres que le monde s’améliore de façon spectaculaire, d’autre que tout va de mal en pis, certains selon l’humeur du jour, voient la vie en rose ou broient du noir, les uns croient que le climat se réchauffe à cause des activités humaines, croyance pour laquelle ils sont prêts à dépenser des sommes astronomiques (en général pas de leur poche mais de celles des autres), d’autres croient que cela ne dépend pas dans une large mesure des activités humaines comme le président Donald Trump qui ne veut pas dépenser les sommes en question.

 

La foi, quelque soit son objet, est une réalité humaine universelle, aussi il est bon de se rappeler la phrase de G.K. Chesterton selon qui « Quand les gens cessent de croire en Dieu, ils ne cessent pas de croire mais se mettent à croire en n’importe quoi ».

Quant à la croyance à la vie après la mort, on peut se demander d’abord de quelle vie et de quelle mort il s’agit et se rappeler la phrase de Jésus « Celui qui cherchera à sauver sa vie la perdra, et celui qui la perdra la retrouvera », indiquant qu’il y a différentes qualités de vie, qu’il ne s’agit pas simplement de survivre en faisant partie de ces « morts qui vont enterrer leurs morts » mais de vivre pleinement dès maintenant.

Aussi, au lieu de partir de ces questions métaphysiques, ne vaut-il pas mieux partir de la vie quotidienne ? Comment cette relation avec Dieu est-elle vécue au quotidien par ceux qui y croient et en quoi est-ce que cela modifie leur perception de la vie, des relations humaines ?

 

Les évangiles, base de la foi chrétienne ne proposent pas avant tout une nouvelle morale ou théologie, les commandements de l’Ancien Testament les précèdent, mais un approfondissement des questions morales qui sont remplacées dans le sermon sur la montagne par une attitude face à son prochain, une façon de considérer la vie différente.

Heureux les humbles, les doux, les purs, les artisans de paix, les assoiffés de justice, les persécutés…, il ne s’agit pas vraiment de commandements moraux mais d’attitudes, de caractères et d’une promesse que ces attitudes « auront leur récompense ». Jésus insiste sur le pardon ou la réconciliation comme plus important que le respect de la loi religieuse comme dans le cas de la femme adultère (« Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ») ou dans diverses paraboles comme celle du mauvais serviteur qui après avoir vu ses dettes effacées par son maître, va réclamer une dette bien inférieur à un de ses serviteur et le jette en prison pour le forcer à le rembourser ou celle le fils prodigue, la prière du Notre Père et bien d’autres enseignements ou paraboles. Ce qui compte, ce n’est pas de respecter une loi ou morale mais de réconcilier et d’établir des relations d’amour même si cela ne dispense pas d’une conduite morale (Jésus dit à la femme adultère « va et ne pèche plus »).

 

Un autre aspect de la foi évangélique, c’est la certitude d’une présence invisible qui « voit dans le secret » et avec laquelle il faut compter. Ainsi quand on fait l’aumône ou une bonne action ou un jeûne, si l’on le fait pour être vu comme les pharisiens qui proclament leurs actes de charité en public, alors « on a sa récompense » qui ne vient pas de Dieu et qui consiste généralement à soigner sa bonne réputation jusqu’à ce que tout le monde réalise qu’il s’agit d’hypocrisie. Par contre, si on le fait « dans le secret, alors « votre père qui est dans les cieux le voit » et vous récompensera. De même, en étant généreux avec les autres et ceci sans le proclamer, alors on « amasse des trésors dans le ciel ».

 

Les « commandements » comme aider les nécessiteux même si la société les abandonne, défendre le bien et la justice même si le monde les nie, ne pas chercher à se venger et rendre le bien pour le mal, présupposent tous une présence invisible agissante qui parle à notre conscience et œuvre avec les hommes au bien et à la justice. Ces paroles ancrent la conviction au cœur de l’homme qu’avec l’aide de cette présence, un jour le bien triomphera, le Royaume de Dieu et sa justice viendront ou plus simplement que « we shall overcome someday » pour reprendre la chanson du combat pour les droits civiques des noirs mené par Martin Luther King. Ainsi la foi en Dieu se traduit par un engagement pour le bien, l’amour vrai envers les autres car comme l’écrit Jacques, « le frère du Seigneur », dans ses lettres, la foi sans les œuvres est morte.

 

L’homme est appelé à écouter la voix de sa conscience au plus profond de lui comme Martin Luther risquant sa vie devant la diète de Worms (« il n’est ni sûr ni honnête d’agir contre sa propre conscience ») ou Dietrich Bonhoeffer animant la résistance face à Hitler, finalement condamné à mort et à craindre « ceux qui peut faire mourir l’âme » et non ceux qui tuent le corps seulement.

La confiance en Dieu peut se traduire par une confiance plus générale en la vie malgré les revers et déceptions personnels, confiance qu’au final, le bien semé n’est pas perdu et finira par porter des fruits, confiance qui va de pair avec un sentiment de gratitude pour la vie, l’univers (soleil, lune, eau, vent etc..) et même la mort (voir le chant de louange de François d’Assise). Cela va de pair avec une sensibilité à la beauté universelle telle qu’on la voit dans les fleurs des prés ou les oiseaux des champs dont parle l’évangile, thème que l’on retrouve chez les écrivains taoïste ou plus récemment dans l’encyclique écologique du pape François« Laudato Si »,

La présence invisible de ce Dieu que Jésus appelle Père ou notre Père traverse tous ces sermons, paraboles, actions ou « signes » prononcés ou effectués par lui. Aussi, on ne peut parler d’une morale « laïque » sans racines, d’un code de vivre ensemble en société ou d’une méthode de développement personnel. Mais ces morales, codes et méthodes ont montré depuis un certain temps leurs limites en particulier à cause de leur manque de transcendance, de justification ultime alors que l’approche évangélique garde sa force et continue à réveiller les consciences.

 

La vérité du christianisme est quelque chose qui se vit et non une théorie qui se discute et ne peut donc être approché uniquement par le discours. On ne peut vraiment en parler si on n’a pas essayé de la vivre ou d’en vivre. « Quiconque entend ces paroles que je dis et ne les met pas en pratique, sera semblable à un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable » nous dit Jésus.

Sans en appeler au pari de Pascal, pari quelque peu teinté de menaces, mais en questionnant sa conception de la vie et les valeurs qui la guident, on peut mieux approcher cette réalité vécue par les chrétiens d’une présence invisible, source de bonté, dont l’existence devrait au moins être envisagée par les autres.

 

En approchant ainsi la question de l’existence de Dieu et de la foi, on s’éloigne de débats qui n’amènent pas grand chose en allant à ce qui nous concerne plus directement. Cette approche existentielle passant par-dessus les fossés créés par les arguments d’ordre théologique ou philosophique, peut s’adresser à des « croyants » comme à des « non-croyants », après tout, tout le monde écoute plus ou moins la « voix de sa conscience », les amenant à réfléchir sur ce qui leur donne envie de vivre, leur donne le sentiment que la vie vaut la peine d’être vécue, les valeurs qui sont les leurs et non en les empêtrant dans un débat métaphysique ou philosophique sans prise directe avec leur quotidien.

Les accusations souvent renouvelées contre l’inquisition, les abus de l’église, la confusion des pouvoirs religieux et  politique ou même la pédophilie de certains prêtres, perdent de leur force dans cette réflexion, car s’il est bien de dénoncer des abus ou scandales comme Jésus l’a fait très vigoureusement à l’égard des pharisiens et religieux de son temps, l’essentiel est de répondre à la soif spirituelle de l’homme.

 

Ainsi, si un historien comme Jean Sévillia du Figaro, auteur de « Historiquement incorrect », argumente que l’Inquisition a représenté un progrès dans l’évolution du droit, on ne va pas contre-argumenter mais simplement dire que les Evangiles se situent sur un autre plan et que les procès de la « sainte » inquisition ne reflètent pas le commandement de Jésus d’aimer ses ennemis, de prier pour eux et de les bénir. Sans aller plus loin, on peut au minimum admettre que les autodafés (envoi au cours d’une cérémonie publique « d’hérétiques » et autres sorcier(e)s au bûcher) n’étaient pas l’expression du commandement évangélique de l’amour du prochain.

Il ne s’agit pas de défendre telle personnalité religieuse, de compter les crimes de l’église par rapport à ceux de la Révolution française en Vendée et ailleurs en les opposant les uns aux autres dans des débats qui ont marqué le 19 et le 20 siècle en France, chaque camp accusant l'autre pour tout ce qui va mal dans le pays, mais d’accepter que les institutions et personnes sont imparfaites, fautives ou ont leurs limites dans une époque donnée, ce qui ne nous empêche pas de découvrir progressivement un message qui se vit, est tourné vers l’avenir amène à des remises en question individuelles comme collectives.

 

Finalement, la réponse à nos questions métaphysiques est plus de l’ordre du témoignage d’une présence aimante et active au quotidien dans nos vies que d’un débat théologique, présence nous incitant à nous libérer de nos ressentiments, angoisses, égoïsmes et à œuvrer à un monde meilleur.

 

 

6)     Christianisme, immigration et patriotisme

 

 

Les questions liées à l’immigration ont  mis à jour un conflit latent entre les catholiques qui considèrent avec une certaine méfiance l'immigration incontrôlée en Europe de l'Ouest et ceux qui s'opposent aux premiers, les qualifiant de "cathos identitaires" et qui prônent un accueil inconditionnel des migrants au nom d'une interprétation particulière de la Bible.

 

Chez certains catholiques dont des membres du clergé, toute réflexion d'ordre politique concernant l’immigration ou l'accueil des migrants, semble se réduire à quelques phrases de l’Ancien ou du Nouveau Testament qui selon eux prouveraient qu’une nation doit s’ouvrir sans condition à l’accueil des migrants, surtout si l’on remplace ce mot de migrant par celui de réfugié qui en appelle plus à la pitié, mot qui dans la majorité des cas ne correspond pas à la situation des migrants qui sont des migrants économiques. Ces catholiques accusent leurs frères qui considèrent que cet accueil inconditionnel peut constituer une menace pour l'identité nationale « d’identitaires » trahissant le message évangélique.

 

Pourtant, on peut voir principalement deux causes à  ce soutien sans limites à l'accueil des migrants : la confusion entre le niveau de la morale individuelle et celui de la morale collective ou du politique et une incompréhension plus générale du sens des textes bibliques masquée par l’utilisation de phrases prises hors contexte.

 

Il est souvent répété dans les milieux chrétiens que le Christianisme est une religion de l'incarnation ce qui la distingue de la Gnose ou de certaines formes prises par l'hindouisme ou le bouddhisme et se caractérisant par un rejet du monde considéré comme une illusion et des désirs humains comme obstacles à la recherche de transcendance ou de la paix du Nirvana.

Cette expression est juste mais cette incarnation ne doit pas se limiter au niveau individuel mais se manifester au niveau collectif, d’abord de la famille puis de la société, de la nation et du monde.

 

Si l’Evangile en appelle à l’accueil de l’étranger, à aider celui qui est dans le besoin sans tenir compte de ses origines (parabole du bon Samaritain entre autres), il s’agit d'appels aux hommes pris individuellement, appels à ouvrir leur cœur et aimer le prochain mais la Bonne Nouvelle ne se limite pas à une morale individuelle.

 

Jésus appelle les chrétiens dans son dernier message à faire « de toutes les nations des disciples » (Matthieu 28 :19) et non de tous les individus, même si tout commence au niveau individuel.

Ainsi, les nations et leurs cultures respectives prennent place dans la providence de Dieu comme cela était le cas dans l'Ancien Testament avec l'histoire d'Israël et le patriotisme prend une nouvelle valeur avec l’espérance du Royaume et l’idée de « hâter la venue du Royaume ».

 

Certains chrétiens insistent sur la phrase de Jésus "mon Royaume n'est pas de ce monde" (Jean 18 :36) pour prôner un certain désintéressement vis-à-vis de la politique ou du patriotisme.

 

Or si par cette phrase, Jésus exprimait clairement que le Royaume n’a pas grand-chose en commun avec ce monde de corruption, cela ne l’empêchait pas d’être un patriote au sens élevé de ce terme aimant Israël, ce qui explique qu'il alla même jusqu'à pleurer sur Jérusalem peu avant sa crucifixion s’écriant en contemplant la ville d’une colline « Ah ! si toi aussi, tu avais reconnu en ce jour ce qui donne la paix ! ..mais tu n’as pas connu le temps de ta visitation » (Luc 19 :41-44).

 

De plus, dans la prière du Notre Père, Jésus dit clairement « Que ton Royaume vienne, Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » indiquant que le Royaume n'appartient pas au monde éternel des idées cher à Platon mais doit venir avec l'accomplissement de la volonté de Dieu sur terre comme au ciel.

 

En résumé, le message du Christianisme ne consiste pas seulement à un appel au salut individuel mais à un changement collectif, en faisant « de toutes les nations des disciples », ce qui implique une action sur la culture et une influence politique et permet de comprendre pourquoi le Pape François, même s'il n'a pas fait preuve de trop de lucidité sur la question des migrants en Europe, a raison quand il dit que la politique peut être une forme élevée de charité ou de l'amour chrétien.

 

Ainsi, on peut parler de providence de Dieu au niveau de chaque nation mais dans la réalité historique, cette providence correspond à un travail lent et progressif, la christianisation ou l'évangélisation progressive de nations et cultures.

 

Chaque pays a ses évènements clé dans cette histoire, ainsi les Français se rappellent le baptême de Clovis, la libération d'Orléans et la défaite des Anglais par Jeanne d'Arc qui bien sûr ne prêchait pas l’accueil des troupes anglaises, l’effort de réconciliation des Français mené par Henri 4 après les guerres de religion et bien d'autres évènements. On trouve des faits héroïques semblables alliant patriotisme et christianisme dans l'histoire d'Angleterre, d'Allemagne, de Pologne, de Russie ou d'Espagne pour ne citer que quelques nations européennes.

 

Il ne s’agit pas d’idéaliser le passé de ces nations mais simplement de reconnaître qu’une certaine idée de la dignité humaine, de la liberté y compris politique avec entre autres la Magna Carta en Angleterre, la fin progressive de l’esclavage, se sont développées dans les pays à culture chrétienne et en relation avec cet idéal chrétien même si toute culture est un mélange d’influences et qu'il y a loin de l’idéal à la réalité. Il en résulte que, contrairement à ce qui est souvent affirmé, toutes les cultures et religions ne se valent pas, en particulier en ce qui concerne le respect de la dignité de l’homme et de la femme et la structure familiale (monogame, polygame) même si toutes ont leurs qualités.

 

Le patriotisme comme amour de la patrie dans ce qu'elle a de meilleur, amour de son histoire et des grandes figures de cette histoire est donc une forme que prend l'amour chrétien quand il dépasse le niveau individuel pour aller vers le niveau de la nation. Bien sûr, ce patriotisme ne correspond pas vraiment à la phrase de Winston Churchill sur l’Angleterre « Right or wrong, my country », comme une justification de toutes les politiques bonnes ou mauvaises conduites par une nation pour la simple raison que c’est mon pays.

 

Concernant l’accueil de l’étranger si souvent vanté, il ne peut être pris comme un impératif absolu pour guider une politique d’immigration et les textes bibliques font preuve d’une grande prudence ou méfiance à cet égard.

 

Sans revenir à l’ordre donné à Josué lors de la conquête de la Terre Promise, d’éliminer ses premiers habitants à cause de leur idolâtrie, on voit plus tard que le roi Salomon est puni par Dieu parce qu’il a amené des épouses étrangères dans son harem (filles de princes ou rois du Moyen-Orient) qui se mettent à adorer selon leur tradition religieuse des idoles dans le Temple de Jérusalem. On trouve aussi le commandement lors du retour d’exil fait aux juifs qui avaient épousé une épouse étrangère de soit la quitter, soit quitter Israël, le prophète Néhémie (13,30) parlant de « purifier » les juifs de tout étranger. On voit ainsi qu'au niveau national, le problème pour les prophètes et les chefs religieux juifs était de maintenir la pureté religieuse du peuple et d’éviter toute forme d’idolâtrie et, donc, d’influence des cultures étrangères. Cela mènera entre autres à une guerre sanglante contre les Grecs avec Judas Macchabée et sa famille.

 

En exigeant le respect de la loi et le rejet de toute forme d’idolâtrie, la Bible ne se montre pas tolérante au sens actuel du mot. On est loin de l’enrichissement par la culture de l’immigré ou de l’éloge de la diversité en soi, sans critère de jugement. En résumé, on trouvera tout dans la Bible sauf un appel au multiculturalisme.

 

En conclusion, si l’on veut faire adopter par un pays une politique d’immigration laxiste comme le font des associations chrétiennes comme l’ACCAT (Association des Chrétiens contre la Torture). Cette dernière association trouve que le gouvernement socialiste est trop répressif en la matière et appelle ses adhérents à aider de différentes manières les immigrants menacés d’expulsion en leur donnant des refuges et les moyens d’éviter une expulsion légale, on ne peut se prévaloir de l’esprit du Christianisme mais seulement d’une lecture très partielle et partiale des textes bibliques.

 

 

 

7)     Antisémitisme et théologie chrétienne

 

La question du rapport entre le Judaïsme et le Christianisme ainsi qu’une réflexion sur la mission de Jésus et la place centrale de l’avènement du Royaume dans son message sont des questions centrales pour le Christianisme. Les deux articles suivant jettent une lumière sur ces questions qui permet de mieux saisir le rôle que peut jouer le Christianisme dans le monde moderne.

 

 

Un problème du passé ?

 

Quand on évoque l’antisémitisme dans certains milieux chrétiens, il est courant d’entendre que c’est un problème du passé : désormais, les chrétiens - et les catholiques en particulier - ne persécutent plus les juifs, Vatican II a supprimé l’épithète infamante de « peuple déicide » attribuée aux juifs et qui a été la toile de fond de tant de persécutions. Finalement la bonne entente prévaut aujourd’hui, nous vivons dans une époque de droits de l’homme, toutes les religions sont reconnues et respectées, l’antisémitisme existe peut-être encore dans certains groupes musulmans ou fascisants mais pas chez les bons chrétiens.

Pourtant, l’actualité semble régulièrement réveiller d’anciennes blessures et à diverses occasions, une certaine incompréhension semble ressurgir entre juifs et chrétiens.

Ainsi, la proposition de canonisation du pape Pie XII a suscité de vives réactions de la part de la communauté juive pour son rôle au cours de la deuxième  guerre mondiale. Ceci fait suite aux réactions face au retour dans le giron de l’Eglise d’un évêque révisionniste, Mgr Williamson. Auparavant un film, « La Passion » de Mel Gibson a été très bien accueilli par de nombreux chrétiens et a même suscité des expériences de conversion tout en étant perçu par certains juifs comme une œuvre réveillant les divisions entre juifs et chrétiens en mettant l’accent sur la responsabilité des juifs dans la passion et la crucifixion du Christ. Bien sûr, on ne peut demander aux chrétiens de renier leur foi et quand des juifs font allusion à l’antisémitisme supposé de certains passages du Nouveau Testament, ils touchent un terrain très sensible et heurtent de nombreux chrétiens pour lesquels les écrits du Nouveau Testament sont inspirés par Dieu.

Dans les années précédentes, l'installation du Carmel à Auschwitz, et spécialement d’une grande croix dominant le camp de la mort, a été une source de tensions importantes jusqu’à ce que Jean-Paul II demande de retirer la croix pour calmer la situation. « Après tout, disaient les catholiques polonais, les sœurs du Carmel prient pour les morts et la croix est un symbole essentiel du christianisme. » Mais les milieux juifs percevaient l’installation de cette croix comme une désacralisation d’un lieu où un million de juifs étaient morts.

Il faut aussi noter dans les années 90, la tentative de canonisation par des milieux catholiques espagnols d'Isabelle Ire la Catholique, reine d'Espagne qui avait décidé d'expulser les juifs d'Espagne ou de les forcer à se convertir avec l'aide d'inquisiteurs sous l'influence de Torquemada. Cette tentative montrait un manque de sensibilité flagrant de certains milieux catholiques à l'égard des juifs.

Un point important pour avancer sur ce sujet : reconnaître que l’antisémitisme chrétien a été une source majeure de l’antisémitisme en Occident. Entre autres l’historien juif Jules Isaac, co-auteur des célèbres manuels scolaires « Mallet et Isaac », a montré dans son Histoire de l’antisémitisme combien cet antisémitisme était présent chez les pères de l’Eglise et le clergé tout au long du Moyen Age.

 

 

Aux sources de la division entre les communautés juives et chrétiennes

 

 

Pour mieux comprendre les causes de l’antisémitisme chrétien, il nous faut retourner aux origines, à la mission de Jésus et aux débuts du christianisme.

Le message de Jésus n’était pas en rupture totale avec l’enseignement de l’Ancien Testament. Jésus ne paraissait pas être un extra-terrestre pour ses contemporains mais se situait bien dans la lignée des grands prophètes quand il dénonçait l’hypocrisie des pharisiens et des responsables du Temple, et qu’il annonçait la venue du Royaume de Dieu.

En fait l’annonce de la venue du Royaume des Cieux par Jésus, loin d’abolir la Loi, requérait une plus grande exigence, une intériorisation de cette Loi. Ainsi, Jésus nous dit qu’il ne faut pas se contenter de ne pas commettre l’adultère, mais ne pas commettre « l’adultère dans son cœur », qu’il ne faut pas simplement ne pas tuer, mais ne pas se mettre en colère et maudire son frère, qu’il ne faut pas simplement jurer en vain mais ne pas jurer du tout « Que votre oui soit un oui, votre non un non, tout le reste vient du malin ».

 

La prière de Jésus à Gethsémani « Mon Dieu, s'Il te plaît, que cette coupe passe loin de moi mais que Ta volonté soit faite et non la mienne » a été diversement interprétée.

 

Souvent les chrétiens ont vu en elle une angoisse face à la mort de la croix. Or, si Jésus avait vu en la crucifixion la seule façon de sauver le genre humain comme le veut une théologie traditionnelle, il serait allé à la mort sans aucune hésitation. Après tout, St Pierre qui était très loin d'avoir la force d'esprit de son maître a demandé à être crucifié la tête en bas car il n'était pas digne de souffrir la même mort que Jésus et nous avons dans les premiers siècles de très nombreux exemples de vierges et martyrs prêts à mourir sans hésiter pour leur foi. Jésus n'était-il pas plus grand que tous ces martyrs, peut-on concevoir qu'il ait eu un moment de faiblesse à ce moment critique de sa mission. C'est le réduire à une échelle humaine médiocre que de lui prêter ce genre de pensée.

 

Sans prétendre comprendre toute la signification de cette prière et cette demande de Jésus à Dieu « fais que cette coupe passe loin de moi », ce sens peut être mieux compris en réalisant que Jésus était juif et aimait profondément Israël.

Il faut relier ce moment de la vie de Jésus à d'autres phrases comme celle adressée à la Samaritaine "ne sais-tu pas que je suis venu pour les brebis d'Israël". Jésus est celui qui pleure dans la tradition prophétique devant Jérusalem en s'écriant "Oh Jérusalem, Jérusalem, toi qui lapide les prophètes et tue ceux qui te sont envoyé, combien de fois j'ai voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses poussins mais tu n'as pas connu le temps de ta visitation", il nous dit en paraboles qu’il est venu faire les vendanges dans la vigne de son père, Israël, ou la moisson pour laquelle les ouvriers sont peu nombreux.

Ainsi Jésus pouvait voir dans sa mort sur la croix et ses conséquences une tragédie pour le peuple juif. En effet, il pouvait pressentir que le rejet du Messie signifié par la croix allait amener la division par la suite entre chrétiens et juifs et 2000 ans d'antisémitisme contre le "peuple déicide" comme l'a proclamé l'Eglise catholique jusqu'à Vatican II.

Il pouvait voir la division que cet événement allait créer entre les juifs et les chrétiens, la perte d'Israël comme terre messianique et toutes les souffrances qui s'ensuivraient pour l'humanité.

 

Pour bien saisir cette perspective, il faut  se replacer dans l'esprit de l'attente messianique du Royaume qui existait du temps de Jésus.

C'est la bonne nouvelle du Royaume qui est selon l'ouvrage d'Albert Schweitzer "A la recherche du Jésus historique" ou celui de Hans Küng "Etre chrétien" le centre de gravité du message du Christ.

 

Cette perspective sur la mission de Jésus est quelque peu éloignée d’une conception chrétienne traditionnelle pour laquelle le but de la vie de Jésus est la crucifixion, conception illustrée dans un beau cantique de Noël mondialement connu, « Minuit Chrétien » dans lequel Jésus est dépeint comme devant se sacrifier « pour apaiser le courroux de son Père ». On décrit ainsi un Dieu en colère contre les hommes qui a besoin que le sang de son fils soit versé pour être satisfait. Déjà Victor Hugo avait montré dans un petit poème « Chef d’œuvre » du recueil « Religions et Religion » dont nous citons quelques vers combien la vision de Dieu qui résultait d’une telle théologie était inacceptable :

« Vous prêtez au bon Dieu ce raisonnement ci :

…Je vais leur envoyer mon fils dans la Judée ;

Ils le tueront. Alors – c’est pourquoi j’y consens.

Ayant commis un crime, ils seront innocents… »

 

La crucifixion correspond à la manifestation, au signe du pardon et de l’amour inconditionnel de Dieu mais la capacité à pardonner, le pardon lui-même de Dieu envers les hommes la précédait.

Depuis la chute de l’homme, Dieu a manifesté son pardon en continuant à agir à travers les descendants d’Adam et Eve, Dieu pardonne à David ses fautes et dit dans les Psaumes à de nombreuses reprises qu’il pardonne à celui qui a un cœur brisé.

 

Il renouvelle son pardon et donnant une image du pardon de Dieu, l’Evangile nous demande de pardonner 70x7 fois. Jésus remet ses péchés à un paralytique, à la femme adultère etc. montrant que sa capacité de pardon comme la capacité de pardon de Dieu précédait la crucifixion. Jésus insiste surtout dans le Notre Père ainsi que dans différentes paraboles sur le lien entre le pardon de Dieu et le pardon que l’homme accorde à son prochain, montrant que ce lien est une loi inexorable : « pardonne nous comme nous pardonnons.. ».

 

Cela est un peu oublié chez ceux qui prêchent le pardon par la foi en la crucifixion réduisant cette foi à l’énoncé d’une formule « je crois que Jésus est mort pour mes péchés et qu’il est ressuscité » oubliant un peu vite que l’épître de Jacques nous avertit que « la foi sans les œuvres est morte ».

Oui, Jésus est mort à cause de et pour nos péchés et est ressuscité et sa crucifixion et résurrection manifestent clairement l’amour inconditionnel de Dieu pour chacun de nous, nous faisant à la fois comprendre la profondeur de notre péché et le pardon offert par Dieu à chacun. Mais il ne faut pas en rester là et suivre le Christ signifie entre autres pardonner à ses ennemis, prier pour eux. Si nous avons ce genre de foi active et ne cherchons pas « la grâce bon marché », attitude dénoncée par le pasteur Dietrich Bonhoeffer dans son livre « Le prix de la grâce », alors la foi en la crucifixion et surtout en la résurrection du Christ est salvifique.

 

Conséquences de la crucifixion

 

 

Toutefois, après la crucifixion, le Christianisme et le Judaïsme vont suivre des chemins toujours plus divergents.

En effet, si l’annonce du Royaume par Jésus était difficile à accepter, un messie crucifié était simplement, selon Paul, « un scandale pour les juifs » (1 Co 1.23). Pour eux, le Messie était celui qui devait libérer Israël, monter sur le trône de David et mettre fin à la domination du mal. Un messie crucifié qui laissait Israël sous la domination romaine avant que Jérusalem et le Temple ne soient rasés en 70 par les légions de Titus semblait contraire à une certaine attente du « Jour du Seigneur ».

De plus, avec la mission de Paul, « l’apôtre des païens », des tensions vont rapidement s’élever entre les juifs convertis au christianisme respectant les traditions juives comme la circoncision, le refus de manger des mets impurs (animaux consacrés aux idoles, étranglés ou considérés comme impurs par la Bible) et les païens ou gentils convertis qui, suivant l’enseignement de Paul, ne se considéraient pas comme soumis à ces obligations. Les Actes des Apôtres et les Épîtres de Paul retracent ces tensions ou conflits qui opposaient d’une part Paul, et d’autre part, Pierre et les chrétiens de l’Église de Jérusalem, Église dirigée par Jacques, le frère du Seigneur.

Au-delà des questions soulevées par la loi juive, la bonne nouvelle selon Paul reprenait des concepts bibliques juifs en leur donnant un nouveau sens. Ainsi, le salut, le sens de l’histoire d’Israël ou la mission du Messie étaient éclairés par Paul selon un angle différent de celui sous lequel ces mots étaient traditionnellement compris.

On peut dire que le christianisme de Paul était plus difficile à accepter par un juif religieux que celui des chrétiens de l’Église de Jérusalem ou que le message de Jésus qui, bien sûr, à cause de son aspect prophétique et messianique pouvait être une « occasion de chute » pour beaucoup mais était néanmoins dans la continuation des textes prophétiques vétérotestamentaires.

Cette distance accrue entre le christianisme de Paul et le judaïsme aide à comprendre, sans les justifier, les persécutions dont Paul a été l’objet de la part des communautés juives à travers l'Empire Romain, persécutions retracées aussi bien dans les Actes des apôtres que dans les lettres de Paul. Ainsi Paul a 3 fois été condamné à être battu par les verges, été une fois lapidé sans compter des arrestations et emprisonnements divers. Dans l'une de ces lettre, l'épître aux Thessaloniciens, considérée comme l'une des plus anciennes, Paul exprime son amertume face aux communautés juives qui le persécutent parlant des « juifs qui ont fait mourir le Seigneur Jésus et les prophètes, qui nous ont persécutés, qui ne plaisent point à Dieu et qui sont ennemis de tous les hommes » (I Thess. 15-16). Le Christianisme à ses débuts a ainsi eu le double privilège d’être persécuté par les juifs et les romains montrant ainsi qu’il était bien au centre de la providence de Dieu. En effet, celui qui persécute, montre par son usage de la force physique qu’il préfère utiliser les armes de la chair (pour reprendre la terminologie de Paul) à celle de l’Esprit, l’amour et la vérité et ainsi témoigne de son infériorité face à celui qui est persécuté. C’est pour cette raison que l’on a qualifié de témoins, en grec martyrs, les chrétiens persécutés jusqu’à la mort.

 

Le rôle de Saint Paul

 

Certains historiens juifs comme Hyam Maccoby, auteur de « Paul et l’invention du christianisme » (titre originel en anglais « The mythmaker Paul and the invention of Christianity ») font des critiques très virulentes à l’égard de Paul qu’ils voient comme un pharisien, ce qu’il a d’abord été à l’école de Gémaïel, qui s’est éloigné ou a trahi le judaïsme de ses pères. Maccoby insiste sur l’opposition entre l’Église de Jérusalem dirigée par Jacques et Paul. Selon lui, Jésus était plus proche des pharisiens que Paul sur la question du respect du Sabbat. Il rappelle aussi que c’est Jacques, le frère du Seigneur, et non Pierre qui a pris la tête de l’Église, selon lui dans une optique de famille royale juive.

Toutefois, il convient de rendre justice à Paul. A la suite de la révélation qu’il a reçue, il a transmis le message du christianisme au monde païen de façon à le rendre acceptable ou même simplement compréhensible par les habitants de l’Empire romain, ce qui n’est pas un mince accomplissement. Derrière la critique de Paul, il semble que l’auteur, qui ne représente pas un cas isolé, en veut au christianisme de s’être développé en dehors du judaïsme. Or, si le christianisme était resté basé à Jérusalem dans le respect des traditions juives, il n’aurait ni gagné pacifiquement l’Empire romain ni eu l’extraordinaire rôle civilisateur et l’impact historique et providentiel qui a été, et reste, le sien. Un rabbin comme Jacquot Grunewald, auteur de « Chalom Jésus ! » (Éditions Albin Michel) rappelle dans ce livre que, par l’intermédiaire du christianisme et malgré les erreurs et crimes commis par des chrétiens au cours de l’histoire, « les paroles entendues dans le désert du Sinaï ont été diffusées dans le monde entier ».

 

Le symbole de la croix

 

Cet éloignement entre les communautés juive et chrétienne ira en s’accentuant au fil des ans au niveau théologique et des symboles et pratiques religieuses. Ainsi, un symbole fort comme celui de la croix, qui est étranger au judaïsme, n’était pratiquement pas représenté par les premiers chrétiens où l’on représentait plutôt Jésus en gloire ou ressuscité un peu dans le genre du grand Christ qui domine Rio les bras ouverts. On retrouve dans les catacombes remontant au début du christianisme ou dans les tombes des premiers siècles des symboles comme le poisson indiquant qu’il s’agit de tombes chrétiennes, mais pas de croix. La croix prend de l’importance avec Constantin qui lors de sa bataille avec son rival Maxence eut selon le théologien Eusèbe une vision d’une croix portant l’inscription « Par ce signe, tu vaincras » (In hoc signo vinces) alors qu’il n’était pas encore converti (Constantin ne se fera baptiser que sur son lit de mort) puis gagnera en importance tout au long du Moyen Âge pour finir par dominer la plupart des édifices religieux du christianisme.

 

Le Royaume de Dieu et la vallée de larmes

 

Progressivement, le christianisme se spiritualisera, repoussant l’espoir d’un monde idéal dans un au-delà atemporel ou dans un éternel présent bien que Jésus demande de prier, avec le Notre Père, pour que la volonté de Dieu soit faite « sur la terre comme au ciel » et ce monde-ci sera de plus en plus considéré comme « une vallée de larmes » alors que le judaïsme dans la diaspora attendait toujours le rétablissement d’Israël sur terre et la venue du Messie. Le messianisme judéo-chrétien, l’attente imminente du Royaume, sera graduellement remplacée par une religion de salut avec ses mystères et son attente d’un au-delà où les bons seront récompensés et les méchants punis. Bien sûr, il ne faut pas simplifier, l’attente d’un au-delà meilleur existait dès l’origine et l’attente messianique est toujours restée vigoureuse dans certains groupes chrétiens minoritaires comme le montrent les travaux de l’historien catholique Jean Delumeau (voir son intervention dans l'ouvrage collectif "Entretiens sur la fin des temps"). Mais on peut dire avec le théologien Hans Küng (« Christ sein ») que l’on est passé de la religion de Jésus à une religion sur Jésus.

Pour résumer en quelques mots, le centre du message de Jésus était l’annonce de la bonne nouvelle, « Repentez-vous car le Royaume des Cieux est proche » ; alors que le christianisme deviendra une religion prenant comme centre plutôt la crucifixion et la résurrection de Jésus que l’annonce du Royaume et nécessitant l’acceptation de divers sacrements (sept chez les catholiques) et d’un credo qui sera source de division entre les chrétiens d’Orient et ceux d’Occident suite à la querelle du « Filioque ». Bien sûr, la reconnaissance de la crucifixion et la résurrection est fondamentale, évènements sans lesquelles, sans même parler de foi, l’existence historique du christianisme est difficilement explicable mais il s’agit de montrer que d’une certaine façon l’attente pleine d’espoir du règne de Dieu avec le retour du Christ, règne qui a une dimension collective et dont il s’agit de hâter la venue, a été remplacée par la recherche d’un salut d’ordre individuel.

Les conciles du IVe siècle, en faisant une synthèse entre des concepts hérités de la philosophie grecque et l’Évangile avec les notions d’essence et de personne vont encore plus éloigner les juifs du message chrétien.

 

Le Moyen Âge et le développement des persécutions contre les juifs

 

On arrivera ainsi au Moyen Âge à une double incompréhension, les catholiques considérant les juifs comme bien endurcis et bornés pour ne toujours pas accepter Jésus et les juifs considérant l’Église catholique, le pape, les saints, le culte des reliques et finalement l’Inquisition comme appartenant à un monde éloigné de la Bible telle qu’ils la comprenaient.

Une série de discussions entre juifs et chrétiens, discussions qui étaient motivées à l’origine par une vraie recherche de dialogue de part et d’autre, éclaire cet éloignement réciproque.

Il s’agit des rencontres de Tortose (petite ville au sud de Tarragone) entre érudits juifs (des érudits et rabbins d’Espagne) et chrétiens (des dominicains et autres membres du clergé) en 1414, rencontres qui partaient d’un bon désir de dialogue de la part des catholiques mais qui finalement ont abouti à exiger des juifs une série de conditions tout à fait inacceptables pour eux telles que:

1)       Le Messie devait naître d'une vierge ;

2)       Le Messie doit être Dieu véritable et Homme véritable ;

3)       Le Messie devait mourir pour sauver le genre humain ;

4)       Le Messie devait donner une nouvelle Loi ;

5)       Les juifs ne retrouveront jamais leur terre.

Cette dernière condition a une saveur ironique quand on considère l’histoire récente. Ces conditions ne pouvaient qu’être rejetées par des juifs fidèles à leur foi et n’étaient acceptées que sous la peur de la persécution ou du bûcher.

Illustrant ce désir de dialogue, toujours en Espagne, à l’époque de la Reconquista (la reconquête du territoire espagnol sur les musulmans culminant avec la prise de Grenade en 1492), des milieux catholiques ont commandé à Moïse Arragel, un rabbin renommé, de faire avec la coopération d’autres érudits juifs, une Bible pour la famille d’Albe dans laquelle Arragel mettrait côte à côte l’interprétation juive et chrétienne de différents passages clés de la Bible et choisirait les illustrations ce qui lui permettait de faire passer le point de vue juif. Cette Bible a été conservée comme un témoin de cette volonté de dialogue entre les deux communautés mais on n’est pas allé plus loin dans cette direction et, bien au contraire, les conversions forcées et persécutions ont succédé à ces tentatives.

Les persécutions contre les juifs à travers l’Europe au temps des croisades, les pogroms, massacres lors de la semaine sainte ou au début d’une croisade sont des faits bien connus sur lesquels nous ne nous étendrons pas.

 

La diminution de l’antisémitisme chrétien

 

Une lecture optimiste de l’histoire pourrait faire penser que la séparation entre juifs et chrétiens après avoir atteint son point culminant au Moyen Âge s’est réduite au fil des siècles.

Ainsi la Réforme protestante suscita un regain d’intérêt pour les études de l’hébreu, une nouvelle approche de l’Ancien Testament et une meilleure compréhension du Jésus historique avec le renouveau des recherches sur la Bible allant du XVIIIIe siècle à notre époque. On peut citer dans ces travaux entre autres « À la Recherche du Jésus historique » d’Albert Schweitzer, écrit au tout début du xxe siècle, les écrits de Dietrich Boenhoffer et jusqu’aux travaux d’Hans Küng pour le monde catholique qui tous allaient dans le sens d’un rapprochement entre le judaïsme et le christianisme même si le but était simplement de mieux comprendre le message biblique dans son contexte historique.

Il faut aussi noter dans cette période moderne, l’intérêt des pères fondateurs de la jeune République des États-Unis pour l’hébreu, plusieurs des auteurs de la Déclaration d’indépendance américaine connaissant l’hébreu et se nourrissant dans leurs réflexions de textes de l’Ancien Testament ainsi que le retour des juifs en Angleterre sous l’influence des puritains qui accompagnaient Cromwell, de nombreux puritains ayant étudié la Bible en Hollande en bénéficiant des explications de rabbins.

Bien sûr l’antisémitisme restait vivace chez de nombreux chrétiens, protestants ou non. Luther a fait des déclarations tonitruantes contre les juifs. Luther insistait sur l’opposition entre le salut par la foi et la loi entre l’ancienne et la nouvelle alliance alors que Jean Calvin a développé une théologie plus philosémite, mettant l’accent sur la continuité entre l'Ancien et le Nouveau Testament, la continuité des alliances et la continuité de l'élection du peuple juif en se basant sur les passages de St Paul dans le chapitre 11 de l’épître aux Romains qui vont dans ce sens. Certains historiens expliquent que de ce fait, les protestants français qui sont plus les héritiers de Calvin que de Luther, ont fait beaucoup d'efforts pendant la guerre pour protéger les juifs contre la persécution et qu’il y a eu en France des liens privilégiés entre protestants et juifs. En Angleterre, l’arrivé de Cromwell a permis le retour des juifs après un long exil forcé remontant aux croisades et en Hollande, l’étude des textes bibliques a rapproché des responsables protestants de rabbins. Du côté catholique, l’évolution sera moins sensible et Pascal, dans les Pensées, explique que les juifs sont un peuple spécialement choisi par Dieu à cause de sa nuque raide et de sa fermeture aux choses spirituelles pour qu’ainsi ils rejettent le sauveur et que le salut soit transféré aux Gentils.

Que ce soit dans le catholicisme ou le protestantisme, il restait, et reste des points de friction. Ainsi, comme lors des discussions de Tortose, lorsque les chrétiens insistent que la vie, la crucifixion et la résurrection de Jésus sont clairement et intégralement prédits par les prophètes, ils placent les juifs dans une position difficile. Soit ces derniers, qui étudient ces prophéties de plus près que la majorité des chrétiens depuis plus de vingt siècles, sont bien bornés, soit ils font preuve de mauvaise volonté à ne pas reconnaître ce qui, selon les chrétiens, est clair comme de l’eau de roche. Mais on peut dire qu’après la Réforme, on s’éloigne en Europe occidentale des sommets de l’antisémitisme chrétien sous l’Inquisition.

 

Nouvelles formes d’antisémitisme

 

Toutefois, alors que, particulièrement dans le monde protestant, l’antisémitisme chrétien perdait de sa vigueur, on voit apparaître à partir du XVIIe siècle d’autres formes d’antisémitisme. Cette fois-ci les attaques ne viennent pas de milieux religieux mais de milieux rationalistes, des philosophes des Lumières (en particulier Voltaire) ou même au XIXe siècle de milieux athées, socialistes et nationalistes. On atteint un degré supplémentaire avec l’antisémitisme d’inspiration raciste des nazis (socialistes -nationaux) qui mènera à la Shoah.

Ainsi, pour ne citer qu’un exemple significatif, on ne peut qu’être surpris de la vigueur des attaques de Karl Marx contre les juifs dans son ouvrage « La Question Juive ». Marx explique dans cet opuscule que le Dieu qu’adorent les juifs n’est pas un esprit mais est bien matériel et qu’il s’agit en fait de l’argent, du capital, de Mammon.

De telles phrases sous la plume d’un auteur français actuel lui vaudraient immédiatement des poursuites pour antisémitisme mais Marx étant lui-même juif, on peut difficilement lui faire un tel reproche.

De même, on peut voir dans « Moïse et le monothéisme », ouvrage du docteur Sigmund Freud, lui aussi juif, un véritable brûlot contre le judaïsme. Selon cet ouvrage, la Loi mosaïque correspond au complexe de culpabilité résultant du meurtre du père (Moïse), prince égyptien massacré par les juifs dans le désert du Sinaï, selon les schémas de la psychanalyse. Ces idées du père de la psychanalyse ne reposent sur aucune base historique et ne peuvent que choquer des religieux, juifs ou chrétiens.

Concernant la religion, le premier de ces deux auteurs a écrit qu’elle était « l’opium du peuple » et le second « la névrose obsessionnelle de l’humanité » (Freud, « Malaise dans la civilisation »). Ils faisaient ainsi tous deux preuve d’une même incompréhension du rôle civilisateur des religions et en particulier du courant judéo-chrétien concernant le respect de la dignité humaine, la recherche de fraternité universelle et de liberté vis-à-vis des différentes formes d’oppression en incluant les plus subtiles, celles qui proviennent du mal en l’homme lui-même et non de l’extérieur.

On peut faire ici une remarque. Certaines formes d’antisémitisme moderne, en tant qu’opposition au judaïsme en tant que religion, ne sont pas spécifiquement tournées contre les juifs en tant que peuple, mais correspondent à une attaque plus générale contre les valeurs judéo-chrétiennes visant tout autant les chrétiens que les juifs. Déjà Pascal dans les Pensées montrait l’opposition entre le Dieu des philosophes et le Dieu des prophètes (le sien). Les conceptions rationalistes, matérialistes, nationalistes et racistes vont s’opposer à la fois au judaïsme et au christianisme, ces attaques provenant de personnes indifféremment d’origine juive ou chrétienne ayant rejetées ou n’ayant pas compris leur tradition spirituelle respective.

Ainsi, on ne peut oublier que le communisme a terriblement persécuté les chrétiens tout en s’attaquant aux juifs religieux, de nombreux intellectuels juifs, pour la plupart athées, ayant pris part aux mouvements révolutionnaires communistes du début du 20ème siècles, et que le nazisme, s’il s’est particulièrement attaqué aux juifs, a aussi persécuté les minorités chrétiennes (témoins de Jéhovah, adventistes, évangélistes) et plus particulièrement tous les chrétiens qui avaient le courage de dénoncer cette idolâtrie de la race et de la nation, au premier rang desquels il faut citer, en Allemagne, Dietrich Boenhoffer, pasteur tué par ordre personnel d’Hitler en 1945, responsable de l’Eglise Confessante qui refusa de prêter serment de fidélité à Hitler.

 

Aujourd’hui comme hier, toutes les tentatives d'opposer la Bible juive (plutôt que l'Ancien Testament) et le Nouveau Testament ont abouti à une incompréhension du texte biblique, une dérive païenne et le développement de l’antisémitisme chez les chrétiens. C'était déjà vrai dans l'empire romain avec les différentes Gnoses. Ce fut encore plus vrai avec après l'arrivée au pouvoir d'Hitler quand de nombreux chrétiens ont essayé de faire des synthèses entre le nationalisme du 3ème Reich et le christianisme. Cette tendance était majoritaire dans le protestantisme au sein de l’église officielle des « Chrétiens allemands » soumise à l’idéologie nazie mais l'opposition vigoureuse d’une minorité réunie dans « L’église confessante » autour du Pasteur et théologien Dietrich Bonhoeffer a sauvé l’honneur des chrétiens allemands.

 

 

 

Voies pour une authentique coopération entre juifs et chrétiens

 

Pour conclure cette présentation rapide de 2 000 ans de relations entre juifs et chrétiens, nous allons explorer quelques pistes de réconciliation entre juifs et chrétiens.

Premièrement au niveau théologique et religieux, les chrétiens doivent s’efforcer de redécouvrir le vrai Jésus historique et ne pas se satisfaire de concepts théologiques remontant au haut Moyen Âge qui ont justifié un rejet et une incompréhension du monde juif. De plus, ils doivent faire preuve de plus de sensibilité dans leurs relations avec les juifs en ayant clairement à l'esprit l'histoire de 2 000 ans d'antisémitisme.

Il faut voir que les relations entre juifs et chrétiens ne se résoudront pas par la conversion des juifs au christianisme ou l’inverse. Ainsi, quand en 2000 Jean-Paul II est allé en Israël, il a clairement fait comprendre qu’il ne s’agissait pas de convertir des juifs au catholicisme mais de chercher en commun les voies de la paix. En fait, il faudrait une conversion mutuelle, les chrétiens doivent se ressourcer dans l’espérance messianique du judaïsme et les juifs écouter la voix de Jésus sans s’arrêter aux persécutions de gens qui se proclamaient chrétiens mais dont les actions trahissaient l’Évangile.

Un autre terrain de coopération entre juifs et chrétiens est la défense des valeurs familiales et religieuses face aux attaques sans précédent qu’elles subissent, la dernière en date étant la volonté, des deux côtés de l’Atlantique d’instaurer des mariages entre homosexuels. Cela inclut la lutte contre la pornographie et le développement d’une véritable éducation sexuelle qui ne soit pas coupée des valeurs de fidélité, d'engagement et d'amour authentique. Cette coopération semble très prometteuse aux États-Unis mais reste encore à un niveau limité en France. Il s’agit d’une action essentielle pour le rassemblement des enfants d’Abraham car si nous voulons réaliser la grande famille des enfants de Dieu, encore faut-il que les valeurs familiales n’aient pas été corrompues dans nos différentes petites familles.

Nous arrivons à une époque pleine d’espoir pour la réconciliation interreligieuse mais les défis sont aussi grands que les espoirs suscités.