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for an English version of this interview of Jean-Paul Chaudat, head of the
International Thermonuclear Experimental Reactor
Project
INTERVIEW de M. Jean-Paul
CHAUDAT, Chef du Département d’Etudes des Réacteurs, CEA, Centre d’Etudes de
Cadarache par Bernard MITJAVILE
"Améliorer la sécurité tout en restant
compétitif par rapport aux autres formes d’énergie"
Comment construire des
centrales toujours plus sûres tout en restant compétitif, comment mieux gérer
les stocks de plutonium produits par les réacteurs, tel est le genre de
questions cruciales que le Département d’Etudes des Réacteurs s’applique à
résoudre. C’est un domaine où les résultats ne sont pas immédiats car il est
nécessaire de poursuivre des programmes d’expériences pendant des années pour en
récolter les fruits.
Bernard Mitjavile : Au niveau mondial, quelles
sont les perspectives futures pour l’énergie nucléaire ?
Jean-Paul
Chaudat : -Je
crois que l’on peut dire qu’à moyen et à long terme, les perspectives sont
bonnes pour l’énergie nucléaire dans le monde. Avec l’effet de serre,
l’attention des écologistes du monde entier s’est portée sur les émissions de
CO2 dans l’atmosphère. Or ces gens sont bien obliger de constater, même s’ils ne
veulent pas le reconnaître ouvertement, que le nucléaire apporte une réponse
réaliste, ce qui permet entre autres à la France d’avoir des émissions de CO2
sensiblement inférieures à ses principaux partenaires. Cela affaibli
l’opposition radicale au nucléaire de certains milieux écologiques. au
nucléaire. Mais il y a une chose de sûre, c’est que l’on ne peut se permettre un
nouveau Tchernobyl, c’est pourquoi il faut aider les pays de l’ancien bloc de
l’Est à fermer les centrales de type Tchernobyl et à améliorer la sûreté des
autres. En France, 75% de l’énergie électrique est d’origine nucléaire,
l’Allemagne a un potentiel nucléaire important mais rencontre des difficultés
d’ordre politique bien que maintenant les écologistes soient mobilisés contre
l’effet de serre ce qui devrait jouer en notre faveur. L’Angleterre continue
petit à petit son développement et garde le pied dans l’industrie nucléaire mais
ils ont aussi du charbon et du pétrole, aux Etats-Unis, il ne se fait plus grand
chose, de temps en temps une centrale est mise sur le réseau, le Japon est dans
la même dynamique que la France. Nous assistons également à une montée en
puissance du nucléaire dans tous les pays asiatiques, la Chine, la Corée,
Taïwan. Puis il y a la Russie qui modernise son parc, qui a quand même 25%
d’énergie d’origine nucléaire. Les Russes ont un programme de relance, de
construction de centrales (7 à 8) mais les capacités d’investissement restent
limitées.
Bernard Mitjavile : Pourriez-vous présenter le
CEA et le département que vous dirigez ?
J.P. Chaudat : Nous avons 12 centres
d’études nucléaires en France, 7 civils et 5 militaires et sommes divisés en six
directions opérationnelles.
Mon département qui fait partie de
la direction des réacteurs nucléaires, est installé à Cadarache. Notre activité
porte sur la physique des coeurs, sur les études incidentelles et accidentelles
pour en tirer des leçons en matière de sûreté et sur la technologie des
réacteurs refroidis au sodium comme Phénix et Super Phénix. Pour ces études,
nous disposons de 4 réacteurs expérimentaux.
Nous avons trois missions. La
première est d’optimiser l’exploitation du parc de réacteurs EDF, qu’il s’agisse
des réacteurs à eau ou des réacteurs à neutrons libres (Phénix et Super Phénix).
Un important résultat dans ce domaine a été la prolongation de la durée des
centrales. Nous arrivons maintenant à maintenir une centrale en fonctionnement
pendant une trentaine d’année et nous avons de grands espoirs d’aller jusqu’à 40
ans.
Notre deuxième mission est de
travailler au développement de la nouvelle génération de réacteurs EPR (European
Pressurized Reactor) qui devront remplacer les centrales actuelles à partir de
2005.
Troisièmement, nous devons nous
projeter au delà du renouvellement du parc et réfléchir à la troisième
génération de réacteurs en apportant toutes les idées d’amélioration que l’on
peut avoir. C’est la partie innovation.
- Q : Concernant le
renouvellement du parc, quelles sont les améliorations décisives apportées par
l’EPR ?
- J.P. C. - L’EPR est un
développement commun franco-allemand entre Framatome et Siemens pour le
renouvellement des parcs en France et en Allemagne. Avec ce standard unique,
l’EPR sera un réacteur très compétitif et pourra être exporté à travers le
monde. Le premier objectif du projet EPR est de renforcer la sécurité des
installations par rapport aux réacteurs existants. Ainsi, l’EPR permet un
confinement complet du cœur en cas d’accident entraînant la fusion ce qui exclu
complètement un scénario de type Chernobyl. Mais qui dit renforcement de la
sûreté dit coût plus élevé. Cela veut dire qu’il faut aussi améliorer la
productivité pour rester compétitif au point de vue économique. Nous y sommes
arrivé avec l’EPR en augmentant en particulier la disponibilité de
l’installation et sa durée de vie en passant de 40 à 60
ans.
-Comment arrive-t-on à augmenter
cette durée de vie ?
-C’est une question de technologie
des combustibles. Un combustible, c’est là où se fait la fission avec des
émissions de radioactivité. Cette radioactivité a un impact physique sur les
gaines causant des problèmes de corrosion, de percement des gaines qui limitent
la durée de vie du combustible. La recherche sur les combustibles, c’est à la
fois des recherches sur les structures du combustible pour voir comment il peut
garder son intégrité le plus longtemps possible, et sur les structures du
gainage pour qu’il puisse supporter plus longtemps l’irradiation du réacteur.
Nous faisons des expériences en laboratoires sur le combustible en irradiant des
éléments témoins dans des réacteurs d’irradiation. Tout cela prend un temps très
long. Ainsi, à partir du moment où l’on a décidé d’irradier des éléments, il
faut attendre 5 à 10 ans pour avoir des résultats. L’unité utilisée pour mesurer
les performances du combustible est le mégawatt jour par tonne (MWjour/t). Nos
combustibles atteignent actuellement 40.000 MWJ/t et avec l’EPR nous voulons
aller jusqu’à 60.000 MWjour/t ou plus si l’on peut.
-Et pour la
disponibilité?
-Nous disposons actuellement de
trois systèmes redondants ou trains pour la sécurité (pour l’injection de
sécurité, l’alimentation de secours des générateurs vapeur etc...). Pour
répondre aux critères de sûreté, il faut garder ces trois lignes
opérationnelles, aussi, en cas de réparation ou d’opération de maintenance sur
un de ces trains, il faut arrêter le réacteur. Avec l’EPR, nous passons à 4
lignes ou 4 trains sans aucun point commun. Cela nous permet de maintenir le
réacteur en fonctionnement tout en assurant la maintenance ou des réparations
sur une ligne et contribuera à augmenter la disponibilité. L’objectif est une
disponibilité de 87% sur une durée globale de vie de 60
ans.
-Pouvez-vous expliquer en quoi
consiste l’amélioration de la sécurité avec l’EPR ?
-L’autorité de sûreté
franco-allemande pour l’EPR a décidé qu’en cas d’accident grave, tout devait
rester à l’intérieur du réacteur sans qu’il y ait aucune contamination en dehors
du site. Donc, dès la conception, on a étudié le scénario de la fusion du coeur,
scénario qui s’est déroulé à Three Miles Island où le coeur a fondu à 70%. A
TMI, tout est resté confiné à l’intérieur de la cuve en dehors de quelques
rejets d’hydrogène mais si la cuve avait été percée, un magma que l’on appelle
le corium se serait répandu sur le béton et aurait commencé à l’attaquer, ce qui
aurait été ennuyeux. Donc si le coeur fond dans la cuve qui se perce, le corium,
un mélange d’uranium fondu à 3200 °C. avec des produits de fission qui
continuent à chauffer et des structures, commence à couler. A ce moment là, il
est étalé sur environ 150 m2 sur des matériaux réfractaires et il est refroidi
et noyé par injection d’eau. Ceci se fait automatiquement par des systèmes
passifs qui se déclenchent au moment où le corium perce la cuve. Nous avons
aussi pris en compte les problèmes de chocs thermiques qui se posent quand on
refroidi avec de l’eau des matériaux à 3000 °C ainsi que le risque hydrogène. En
effet, en cas d’accident grave dans un réacteur à eau pressurisée, il y a un
fort dégagement d’hydrogène qu’il faut recombiner ou absorber de façon à ne pas
avoir de déflagration. En résumé, avec l’EPR, en cas d’un accident de fusion
nucléaire qui dégénère avec la cuve qui lâche, on est capable de contenir à
l’intérieur de l’enceinte les dégagements divers et variés et de les gérer
correctement. Nous démarrons actuellement un programme dans notre département
nommé Vulcano qui permet de simuler avec matériaux réels le corium en fondant de
l’uranium appauvri avec des métaux (30 kg d’uranium et une centaine de kg de
corium), de le faire couler et de voir comment tout ceci se comporte et comment
on peut le noyer.
-Au début des années 80, on parlait
beaucoup des Surrégénérateurs pour assurer l’indépendance énergétique de la
France. Représentent-ils toujours une piste importante pour l’avenir
?
-Quand on a lancé les réacteurs à
neutrons rapides (Phénix, SuperPhénix), il était question de construire 4
réacteurs de ce type de 1500 MgW car on pensait que la croissance de la demande
d’énergie resterait importante et que l’on atteindrait rapidement les limites
d’approvisionnement en uranium. Depuis, on a revu à la baisse ces estimations
ainsi que les projets de construction de réacteurs. Le concept reste toujours
valable mais nous avons des réserves en uranium, pour le court et moyen terme
aussi nous ne sommes pas obligé de recourir à l’utilisation du plutonium comme
combustible. Notre objectif aujourd’hui est de gérer le stock de plutonium pour
éviter qu’il s’accroisse et dans cette perspective, les réacteurs à neutrons
rapides ont une place importante. En effet, le plutonium peut être utilisé de
deux façons. Soit dans la fabrication d’un combustible enrichi en gros à 7% de
plutonium pour les réacteurs à eau légère de type 900 MgW EDF. C’est ce que l’on
appelle les combustibles MOX. L’autre façon de l’utiliser, c’est avec un
réacteur à neutrons rapide car un surgénérateur peut passer en mode
sous-générateur, c’est-à-dire consommer du plutonium au lieu d’en produire.
Ainsi nous avons lancé un programme nommé Capra de consommation accrue du
Plutonium dans les réacteurs rapides. L’un des avantages du réacteur à neutrons
rapides, c’est que, contrairement aux autres réacteurs, il n’est absolument pas
sensible à la composition isotopique et peut consommer soit un plutonium dit
propre avec beaucoup plus d’éléments fissiles ou un plutonium très dégradé.
C’est pas un réacteur poubelle mais ça y ressemble. Dans notre département, nous
avons un programme dit d’acquisition des connaissances sur Super Phénix qui
étudie ses possibilités et personnellement, je dirais qu’il faudrait construire
à l’horizon 2030, 2040 quelques réacteurs de ce type pour bien gérer le flux de
plutonium.
Bernard
Mitjavile
Interview
of Jean-Paul CHAUDAT, head of the Reactor Research Department of the French
Nuclear Energy Commission (CEA), a body supervising and coordinating R&D in
the field of nuclear energy.
How
can we build even safer power plants and still be competitive? How can we better
control plutonium stocks produced by reactors? These are crucial issues that the
Reactor Research Department intends to resolve. .
Bernard
Mitjavile: What is your estimate about the future development of nuclear energy
in the world?
JP
Chaudat: I think that the medium and long term perspectives are good for nuclear
energy. People have become increasingly concerned about the Greenhouse effect
and the related emission of carbon gas into the atmosphere. Even if
environmentalists are slow to admit it, nuclear energy provides a realistic
alternative and is the reason why the carbon dioxide emission level in France,
which produced 80% of its electricity with nuclear plants, are substantially
lower than in other comparable countries.
Sure, we
absolutely cannot afford to have a second
In the
- Can you
explain in which way the EPR (European Pressurized Water Reactor), the new
generation of reactors for
- The EPR
is a joint development scheme between the French Framatome and Siemens of
Compared
with existing reactors, the main objective of the EPR project is to strengthen
safety on site. But improved safety
means higher costs. So, it is necessary to increase productivity to still be
economically competitive and extend the plant's availability as well as its life
span - with the aim of extending its life from 40 to 60
years.
- How is
it achieved?
-
Concerning life span, it depends on fuel and structure technologies, and more
particularly on reactor vessels. Radioactivity has a physical impact on
claddings which produce problems of corrosion and cladding perforation; the fuel
life span is then limited. Fuel research consists of studying fuel structures -
to see how it can keep its integrity during the longest possible period - as
well as cladding structures - to help them to support better reactor
irradiations. Fuel performances are measured in megawatts days per ton (MW d/t).
Today, our fuels reach 40 000 MW d/t and with the EPR reactor we hope to achieve
60 000 MW d/t or more if possible.
- And
concerning security?
- French
and German EPR safety authorities have decided that, in the event of a serious
accident, everything should be kept inside the reactor, avoiding contamination
outside the plant. So, we have worked on a core melting scenario - a scenario
that happened at
At TMI,
everything was kept inside the tank, apart from several hydrogen effluents; but
if the tank had perforated, magma (also called corium) would have spread over
concrete and started to destroy it. So, if the core melts in the tank which,
consequently, perforates, then corium - mixture of molten uranium at 3 200 °C
with heated fission products and structures - begins to flow. For the EPR, it
would spread over about 150 sq m, on refractory materials before being cooled
and flooded in water. This is automatically operated through passive devices
which set off promptly when the corium perforates the vessel. We have also
considered the problems related to heat flush (when materials heated at 3 000 OC
are cooled with water) together with the hydrogen risk. In the event of a
serious accident in water-pressurized reactors, there is high hydrogen emanation
which has to be recombined or absorbed to avoid any explosive combustion.
Briefly,
if a serious core melting accident occurs which could degenerate into vessel
perforation, the EPR reactor enables us to keep all possible emanations inside
the building and handle them properly.