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for an English version of this interview of Dr Aymar,
head of the International Thermonuclear Experimental Reactor
Project
Interview du Dr. Robert
AYMAR, Directeur du projet ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor)
Par Bernard
MITJAVILE
"Unir le rêve et la
réalité".
Depuis longtemps on
présente la fusion thermonucléaire comme une solution ou même la solution aux
problèmes énergétiques de l'humanité. Il s'agirait d'une source d'énergie
illimitée et propre, tout au moins plus propre que l'énergie nucléaire actuelle
car ne produisant pas des déchets nucléaires. Jusqu'à maintenant, cette solution
paraissait être un rêve de scientifique mais avec le projet ITER le rêve descend
sur terre bien que l'on ne sache toujours pas quand l'énergie de fusion pourra
être une alternative crédible au nucléaire classique, au charbon ou au
pétrole.
- Question : la fusion
nucléaire suscite-elle des rêves un peu exagérés d'énergie illimitée à bas
prix ?
- R.A. –
En fait la source unique d'énergie de l'univers, c'est la fusion au centre des
étoiles, les autres énergies étant dérivées. Aussi il serait quand même curieux
que l'homme n'utilise pas cette source d’énergie et se contente de sous-produits
comme le charbon. C’est plutôt l’hypothèse inverse, que l’homme n’arrive pas à
maîtriser cette énergie, qui me semble irréaliste.
Avec la fusion, la matière première
est sans limite et se trouve dans l'eau de mer. De plus il faut très peu de
matière; des quantités de l'ordre du gramme, pour produire beaucoup de
puissance. On a une bonne sécurité car ce n'est pas une réaction qui peut
s'emballer car dès que la température s'abaisse, la fusion s'arrête. De plus,
contrairement à la fission, il n'y a pas de déchets en dehors de certaines
structures en acier qui peuvent être irradiées.
Q - N’y a-t-il pas d'obstacles
majeurs d'un point de vue scientifique ?
R.A. : ITER est une extrapolation
crédible des résultats obtenus actuellement. Pour obtenir la fusion, on met
ensemble du Deutérium et du Tritium et on chauffe pour obtenir un neutron et de
l'Hélium. Si l'énergie relative de deux particules chargées positivement est
suffisamment grande pour vaincre la répulsion des charges positives, elles se
rapprochent suffisamment pour fusionner et en fusionnant, elles forment deux
particules qui sont de l'Hélium et un neutron dont la masse totale est plus
faible que la masse initiale. Aussi de l'énergie est produite, 1/5 ème allant dans l'atome d'Hélium et 4/5 dans le neutron. Le
neutron s'échappe et on peut utiliser son énergie, quant à l'Hélium, il dissipe
son énergie dans le milieu, le maintenant si possible à la température
nécessaire pour obtenir une combustion autoentretenue. Toute la difficulté
consiste à confiner un milieu chaud de façon à réduire les pertes de chaleur. On
a fait des progrès en faisant passer le temps de confinement avant que l'énergie
produite ne se dissipe vers la paroi de quelques microsecondes il y a trente ans
à des secondes aujourd'hui. On arrive à atteindre le " break-even point ", c'est à dire le point où l'on
récupère autant d'énergie qu'il en faut pour obtenir la fusion. Nous obtenons
actuellement avec le JET (Joint European Torus) près
d'Oxford en Angleterre des résultats tout à fait impressionnants. Nous
extrapolons à partir de ces résultats pour ITER en tenant compte du facteur
taille car le temps de confinement est proportionnel au cube de la taille du
tore. Le volume du plasma dans le JET est de 100 m3 alors que pour ITER, nous
passons à plus de 1000 m3. ITER aura 30 m de diamètre et 30 m. de haut et pèsera
70.000 tonnes, essentiellement de l'acier avec des supra conducteurs et des
sources de puissance. C'est un outil de laboratoire un peu coûteux parce que la
fusion, contrairement à la fission, n'est pas un mécanisme linéaire. On peut
avoir des appareils de fission avec des puissances très faible ce qui n'est pas
le cas pour un réacteur à fusion qui est un appareil à seuil exigeant une taille
minimum et une énergie minimum.
- Donc c'est avant tout une question
de taille et il n'y a pas vraiment d'obstacles ?
- On ne peut vraiment dire cela. Si
on fait une expérience, c'est que l'on ne connaît pas la réponse. La
compréhension de tous les mécanismes physiques est bonne mais on ne connaît pas
l'interaction globale de ces mécanismes aussi faisons nous différents scénarios.
L'objectif d'avoir un réacteur de 1500 MgW peut être
atteint mais si la chaleur dissipée par l'hélium ne suffit pas à maintenir la
combustion, il faudra prendre un peu d'énergie de l'extérieur, un amplificateur,
pour obtenir le même résultat.
- Vous avez une idée du temps qu'il
faudrait avant que cette énergie soit largement utilisée ?
- L'étape ITER est l'étape
indispensable. Il faut montrer que nous pouvons contrôler un réacteur de 1500
MgW de puissance sans problème de sûreté. Ensuite
viendront les questions économiques et de développement technologique pour
obtenir un réacteur standard comme on l'a fait pour les réacteurs à fission.
Aurons-nous des réacteurs à fusion nucléaires compétitifs en l'an 2050 ? On ne
peut répondre à cette question car ce n'est pas un problème scientifique mais
économique et technique. On ne sait pas quel sera alors le degré d'acception des
réacteurs à fission ou le prix du pétrole entre autres
facteurs.
- Où en sommes-nous du projet
?
- Nous avons fourni design complet,
un plan de construction, une analyse de coût, un dossier de sûreté et des
spécifications détaillées pour que la construction du réacteur puisse être
lancée tout de suite. Maintenant la décision de la construction et de
l’emplacement du réacteur doit être prise
- Certains pays sont plus intéressés
que d'autres par ITER ?
- Certains pays comme la Fédération
de Russie peuvent avoir des difficultés budgétaires mais les Russes ont donné
une grande priorité au projet ITER qui est fortement soutenu par l'Académie des
Sciences. Le Japon est très en pointe et aimerait voir le réacteur sur son sol.
L'Europe a des moyens et soutient ITER mais c'est toujours plus compliqué de
travailler avec quinze pays qu'avec un seul. Aux Etats-Unis nous rencontrons des
difficultés à cause des coupes budgétaires et de la volonté de réduire le
déficit. Enfin, il y a des hauts et des bas et il faut preuve de doigté et de
diplomatie. Le coût de construction du réacteur a été évalué entre 5000 et 6500
millions de dollars valeur 89, ce qui n'est pas, vu l'enjeu, une somme
excessive. La construction devrait être achevée en 2008.
- Est-ce que la mise en commun des
fruits de la recherche de divers laboratoires ou équipes nationales ne suscite
pas quelques réactions protectionnistes ?
- Le projet ITER est exemplaire sur
ce plan car tout le monde est propriétaire du développement et des fruits de la
recherche. J'ai un exemplaire de tous les travaux effectués. Cet exemplaire est
distribué à chaque pays participant à ITER. L'accord a
demandé des années de discussions car il fallait supprimer la notion de
propriété industrielle alors qu'il y avait des dépenses importantes de la part
des industries engagées dans ce projet. Cet accord a des conséquences à long
terme très importantes car il oblige chacun des acteurs à penser sa stratégie
dans le cadre d'une coopération internationale. C'est le seul exemple qui existe
où l'ensemble des travaux faits sont mis à la disposition de l'ensemble des pays
pour leur usage individuel ou collectif.
Q- Comment êtes-vous arrivé à la
direction d'ITER ?
Dr Aymar - J'étais auparavant
directeur des sciences de la matière au CEA où je supervisais la recherche
fondamentale dans des domaines variés. C'était très intéressant mais quand on
m'a demandé de travailler avec le projet ITER, j'ai accepté car même si cela
était plus limité d'un point de vue scientifique, la fusion nucléaire est une
source d'énergie illimitée et sa domestication représente un intérêt pour
l'humanité.
- Comment le projet ITER a vu le
jour ?
- Ce projet est l'aboutissement
d'une proposition faite en 1987 par Mikhail
Gorbatchev, alors président de l'Union Soviétique, aux présidents Reagan et
Mitterrand pour le développement de l'énergie de fusion. Cette proposition a
abouti à un accord en 1992, auquel ont participé les Etats-Unis, le Japon, la
République de Russie, l'Union Européenne plus la Suisse et le Canada. Chaque
pays s'est engagé à fournir une contribution proportionnelle à son P.I.B pour les études devant aboutir à la construction
d'ITER. Ce sera un récteur
de 1500 MgW de puissance, représentant de loin la plus
grande expérience de physique concernant la fusion
thermonucléaire.
- Et comment fonctionne
l'organisation ITER ?
- Nous avons un siège réparti sur
trois sites, un aux Etats-Unis à San Diego, un autre
en Europe dans la banlieue de Munich, et le troisième au Japon, à Naka au nord de Tokyo. L'équipe centrale d'ITER qui comprend 150 physiciens et ingénieurs est partagée
entre ces trois sites et nous avons des laboratoires et des activités sur la
planète entière. Cette équipe donne la direction et analyse les résultats des
recherches et les intègre au projet ITER. Ensuite, des
équipes nationales et des industriels associés à ces équipes font le travail de
développement.
Bernard
Mitjavile
Uniting
the Dreams of an infinite non-polluting source of energy and
Reality
Interview
of Dr. Robert Aymar, Director of the ITER project
(International Thermonuclear Experimental Reactor).
B.M.- How do you respond to the view that nuclear fusion induces
somewhat exaggerated dreams about unlimited energy at a low
price?
Robert
.Aymar. – The
unique source of universal energy apart from gravity is the fusion of hydrogen
in the core of stars. It is not the dream for fusion reactors that is
unrealistic; on the contrary, it would be surprising to see in the future men
unable to use this energy and having to content themselves with by-products such
as coal and petrol.
How far
have we gone towards the mastering of fusion energy?
R.A. - The
ITER reactor is a credible extrapolation of current results. Fusion energy is
generated by reactions between the nuclei of hydrogen isotopes, deuterium and
tritium. If the relative energy of the two positive-charged particles is big
enough to overcome the repulsion of positive charges, they get close enough to
fuse and form two separate particles – a helium atom and a neutron – the total
mass of which being lower than the initial mass of the two nuclei. So, energy is produced - one-fifth
associated with the Helium atom and four fifths with the neutron. The neutron
escapes and its energy can be used by any heat producing device, the helium atom
gives up its energy to the medium maintaining thus the temperature at the
necessary level in order to produce a self-sustaining combustion.
Nuclear
combustion is conceptually identical to chemical combustion. The most difficult
task is the confinement of a hot medium (of a hundred million degrees) and the
reduction of heat losses. We have made major progress in reducing the
confinement time – i.e. the time before internal energy disperses towards the
wall - from several microseconds (thirty years ago) to several seconds. The JET (Joint European Torus) - close to
So we have
already developed a full and detailed design of the system together with a
construction plan, a cost analysis, a safety assessment, and detailed
specifications needed for the immediate start of manufacturing of the
reactor.
How did
the ITER project emerge?
R.A. -
This project is the result of a proposal made in 1986 by Mikhail Gorbatchev - then President of the Soviet Union - to
President Ronald Reagan and French President François Mitterrand, aimed at
encouraging active collaboration between all parties in the development of
nuclear fusion. This proposal led to the designing of a reactor concept between
1988 on 1990 and then to a 6-yeor agreement on engineering design activities
which was signed in 1992 between the USA, Japan, the Russian Federation and the
European community (including Switzerland and (Canada). All parties to the
agreement participate equally in the activities in terms of R & D, expenses
and transfers of people to the core team of the project. The results are jointly
owned and will be used for the construction of the ITER. The ITER is an
experimental reactor with a 1,500 MW of nuclear fusion power. It is by for the largest physics
experiment in this area.
How does
the ITER team operate?
- The ITER
central team which consists of about 150 physicists and engineers is divided
into three sites:
Do some
participating countries refuse to share some of their know how in nuclear energy
to protect their industrial advance?
-
Concerning this point, the ITER project is really an example of international
scientific cooperation because the four founding partners are the joint owners
of the results of R&D. After many discussions, we succeeded in suppressing
patent rights to a large extent within the scope of this project. As far as I
know, it is the only case where all development works are put at the disposal of
participating countries, for their private or collective purposes. Considering
the essential part played by the ITER scheme in the development of research on
fusion, this agreement will have major effects in the long term because it
forces every participant to build his strategy within the framework of
international cooperation.
Are some
countries more interested in the ITER project than others?
- Some
countries such as the